Petit Monde de don Camillo. Communisme, christianisme et Realpolitik. 8/10

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Un grand pas pour l’humanité.

Faire ne serait-ce que quelques petits pas, en direction d’une meilleure compréhension de l’attractivité des Don Camillo, serait assurément un grand pas pour l’humanité. Si si, je vous assure ce film est autant instructif que divertissant. C’est grosso modo cela le secret.

Fini la rigolade, il nous faut maintenant tenter de découvrir les raisons profondes de notre fascination.

Tout est à l’écran, à nous de décrypter ce rébus, plein de clefs et d’évidences.

En premier lieu, il y a l’amitié/rivalité du couple Fernandel et Gino Cervi. Le parti pris initial serait que tout les oppose. L’un est un religieux convaincu mais pas stupide, l’autre est un stalinien athée mais pas libertin.

La tradition campagnarde millénaire, semble dominer leurs carcans « politiques ». Un vernis tenace mais récent, dans les avatars actuels.

L’encadrement communiste de « Moscou » est bien présent, comme l’est l’encadrement clérical du Saint-Siège avec la délégation aux évêques. Et pourtant l’un et l’autre ont l’opportunité de s’en détacher… mais qu’un peu.

A priori, les deux gugusses mémorables sont enfermés chacun dans un système idéologique strict. Mais nos deux lascars trouvent des accommodements pertinents avec leur « foi » respective. Ils arrivent à desserrer l’étau de leurs doctrines rigides.

  • Souvenons-nous que l’année 1953 est celle de la sortie du film… et de la mort de Staline. Et plus le communisme était contraignant plus la « réaction » cléricale était forte. La pression était donc maximale.
  • Et Pie XII, qui avait fait la guerre en quelque sorte, était sorti de son très relatif « en même temps », pour muscler encore plus son aversion pour le communisme.

Ce long métrage « soupape » amène donc les spectateurs à faire davantage la part des choses, et ce quels que soient leurs a priori.

Ce petit jeu est très humain et correspond bien au sens de la combine des Français et des Italiens. C’est un point d’attirance de ce grand projet franco-italien porté par Julien Duvivier.

L’embrigadement stalinien éduque ses membres, avec des leitmotivs simplets, quant au conflit de classes et à la défense des damnés de la terre.

Et l’enfermement clérical, catalogué ici de « réactionnaire », est supposé flatter en priorité feu l’aristocratie et les mouvances droitières. On n’en est pas encore à une plus soft démocratie chrétienne, voire à la « dérive » de ces prêtres ouvriers détestés par Pie XII.

Les deux systèmes opposés tentent de s’arracher le monopole du cœur. Et là, la confusion est possible. Il n’est pas idiot de dire que le communisme a hérité (ou volé) de nombreux pans du christianisme. En retour, ce dernier finit par adopter quelques réflexes de type lutte des classes également. Cela avait déjà mal démarré pour les riches. En effet il est explicite dans la Bible, que l’accès au paradis leur sera particulièrement difficile. On ne peut pas faire plus bolchevique que cela.

Mais qui est capable de se conformer totalement à ces “commandements” ? Personne, hormis l’élu principal forcément, ou le fou.

En conséquence, il s’agit plus modestement de borner la bienveillance qu’on doit aux siens, autant qu’il faut limiter la malveillance qu’on doit aux autres. De la Realpolitik en quelque sorte.

Ces deux partis extrêmes ont un ennemi commun, la bourgeoisie (agraire ici). Une classe à part qui se contrefiche de l’idéologie et ne verrait pas plus loin que son portefeuille. En tout cas, c’est à peu près le sens développé dans le film.

Il n’est pas question d’un quelconque progrès amené par les forces vives non contraintes de la nation. Et en cela, communisme et catholicisme ne voient eux les biens que de manière statique ; en l’espèce comme un « gâteau » à partager. Ils ne comprennent rien à l’esprit d’entreprise.

Mais à part l’ennemi commun, d’autres points communs triviaux rapprochent nos deux vedettes. Il s’agit de catégories plus personnelles, comme la force physique, la détermination jusqu’au-boutiste, le sens du commandement, la capacité à marchander des compromis et quelques broutilles.

La possibilité de reprise en main de la « destinée » grâce aux qualités individuelles est une autre leçon de la série.

Ce fut un succès. La même année 1953, sera l’occasion de propulser une vraie suite, Le Retour de don Camillo.

Vous venez de lire une première partie de la réflexion, la suite en ci-dessous (cliquez le médaillon Retour de don Camillo) :

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https://fr.wikipedia.org/wiki/Pie_XII

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