Ce titre Potiche est volontairement daté et ringard. Bien que de 2010, ce film qui s’inscrit dans les années 70, est relativement intemporel.
Il a réussi cette alliance a priori contre nature, d’être un film bête fait par des gens intelligents. C’est la même recette du grand écart, qui a présidé à la glorieuse destinée des OSS 117.
Et si certains se tortillent encore à « juger » ou « moraliser » tel ou tel point de vue exposé ici, c’est qu’ils n’ont rien compris. Ce film n’est ni un brûlot politique, ni une comédie de moeurs.
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Voilà mon « quinté » en ce qui concerne les acteurs :
- Catherine Deneuve, que je n’ai pas toujours aimé, fait ici un travail remarquable.
- Gérard Depardieu est constant et montre comme toujours de grandes qualités.
- Fabrice Luchini est un acteur/personnage plein de défauts et qu’on aime pour cela.
- Karin Viard n’est jamais meilleure que dans ces rôles de femmes coincées.
- Judith Godrèche est insupportable et la réalisation a tenu compte de cela. Elle matche.
On peut rajouter le talentueux Jérémie Renier qui montre bien l’air incertain du temps. François Ozon, dont les goûts sont connus, a indiscutablement un petit faible pour cet acteur tout mignon. Et bien qu’il se tortille malicieusement, notre Cloclo n’est pas du même bord.
Sergi López, ce vigoureux camionneur aux œillades complices, mérite d’être signalé aussi.
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Ce film feel-good est totalement théâtralisé. Il provient en effet du vaudeville du même nom de Barillet et Gredy. D’ailleurs regardez bien, l’anglais du CA c’est Pierre Barillet.
Et vaudeville, il l’est pleinement, sans aucun remord. On a donc droit au mari qui délaisse sa femme et qui a une maîtresse. A l’épouse qui se cabre, s’émancipe et prend le pouvoir. C’est une finaude jusque là planquée dans son rôle de servante-ménagère, mais qui a fait des frasques dans le passé et qui en refera encore dans le présent. Le genre de fantaisie à voir en vieux couple de manière à rafraîchir l’union par ces menaces virtuelles d’infidélité « qui se terminent bien ».
Vaudeville, oui. Tout y est :
- Comique de situation… rythme vif… plein de rebondissements… des quiproquos… des Deus ex machina invraisemblables… de nombreuses péripéties compliquées… les « portes qui claquent » …
- Des personnages en forme de caricatures… des situations cocasses… de la gauloiserie… un inévitable adultère… ou plusieurs…
- Les 3 personnages essentiels : mari, la femme et l’amant, avec du non-dit, des révélations, des cocus qui s’ignorent…
Et puis, on salue cette époque révolue où la voiture disait tant sur son propriétaire. La grosse Mercedes du patron, la R16 du député-maire de gauche, la DS statutaire, la petite Abarth de la bourgeoise…
Les auteurs ont rajouté une implication politico-sociale… qui n’est qu’un décor. On assiste à cette collision frontale entre le monde ouvrier et les patrons. Pourtant ces Casus belli qui montent jusqu’à la séquestration, se terminent curieusement bien, avec même une once de subtilité.
En fait, ces situations ne sont pas le situationnisme. Elles ne sont que prétexte à une dérision supplémentaire, de part et d’autre. L’ouvrier CGT basique et le patron ancienne formule sont bêtes tous les deux.
Catherine Deneuve et Gérard Depardieu réinterprètent la scène de danse de Pulp Fiction avec John Travolta et Uma Thurman. Quelle bienveillance dans l’humour !
Catherine Deneuve la bourge, nous gratifie d’un somptueux final, en nous livrant à pleins poumons cette ode au « présent qui chante » : « C’est beau la vie » du communiste Ferrat. Et c’est vraiment plaisant.
- Avec l’amour retrouvé, que c’est beau, c’est beau la vie.
- Pouvoir encore te parler, pouvoir encore t’embrasser
- Te le dire et le chanter, oui c’est beau, c’est beau la vie.
C’est du genre « En France, tout finit par des chansons », mais en mieux. Ce n’est pas le front populaire versus 1977 qui gagne, fort heureusement. On a évité le pénible « Quand on s’promène au bord de l’eau », entonné par Jean Gabin.
- Un seul dimanche au bord de l’eau
- Au trémolo
- Des p’tits oiseaux
- Suffit pour que tous les jours semblent beaux
- Quand on s’promène au bord de l’eau
La musique circonstancielle est bien présente avec Michèle Torr, Baccara, Il était une fois, Catherine Ferry, Julio Iglesias, Johnny Hallyday, Bee Gees, Jean Ferrat…
Somme toute, ce spectacle totalement convenu et ritualisé est rassurant. La critique n’a pas été bégueule et le public français a bien suivi.
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https://fr.wikipedia.org/wiki/Potiche_(film)