Codes moraux américains – retour dans le cinéma contemporain

Temps de lecture : 4 minutes

Réflexion inspirée du visionnage de American Pie, une série qui est souvent jugée sexuée et iconoclaste. A tort.

On y retrouve les interdits les plus classiques.

Respect des parents.

– L’image du Père est incrustée, tenace et indiscutable.

– Par exemple le fameux père Levenstein de tous les American pie aux sourcils fournis.

Bien qu’on puisse sourire du personnage, il n’en demeure pas moins le très sérieux sexologue-conseil de son fils. Il lui montre le cap à tenir en portant au niveau le plus technique possible, toutes les apparentes fantaisies du sexe.

Les phrases sont rituelles à défaut d’être cultes.

C’est l’application d’une sorte de relativisme du sexe, sur le ton de la plaisanterie.

Rassure-toi mon fils, tout se vaut, tout est permis ou presque. L’application froide des conclusions qui se veulent décomplexés du rapport Kinsey (1948-1953)

– Mais les autres parents du film sont tout aussi respectés. Par exemple ceux de la jeune vierge ne sont jamais mis en cause. On « restitue » l’adolescente en catimini en faisant bien attention de laisser intact l’ordre familial. Et bien qu’on ait tourné autour, la virginité sacrée sera préservée.

– Les mamans sont intouchables. Mais les mères-veuves ont un statut spécial. On peut à la rigueur les « honorer », pour rendre service en quelque sorte. Mais d’avoir couché avec la mère d’un copain reste une sorte de tabou. Et donc ce sera plus ou moins dissimulé auprès de ses camarades.

Respects des institutions, dont en particulier le mariage.

– Les femmes mariées sont intouchables.

– Les copains mariés bénéficient d’un statut spécial également. Les frontières sont bien entendues approchées, mais les choses au final reviennent à leur place. Ce sont en quelque sorte des épreuves qui sont là pour tenter de re-cimenter les vieilles liaisons institutionnalisées.

– Personne non plus, pour remettre réellement en cause le bal de fin d’année ou la sacro-sainte réunion des anciens élèves.

– Il n’y a jamais de questionnement de la Police et des autres corps constitués. Pas même un flic ripoux. Les cavaliers bleus continuent à bien protéger les citoyens.

– Les profs profitent aussi de ce statut d’exception.

– Et si on « discute » le jeune avec une belle profession, ce n’est pas son titre qui est remis en cause. Mais c’est parce qu’il s’est montré arrogant. Mais dans le fond l’assemblée consacre le statutaire en toutes circonstances.

Dans ces nouvelles hiérarchies, le copain devenu vedette de la télévision est forcément au sommet de la pyramide pour un américain moyen. On lui doit le respect.

D’autant plus que dans le film, il semble capable de sacrifier sa carrière par amour. Ce qui est une autre façon de dire que vedette de télé c’est important.

Respect du tabou de la « trop grande » différence d’âge, dans la relation amoureuse.

– Le cinéma US, le cinéma international, mais aussi la vraie vie des acteurs, fourmille de cas de couples avec des écarts d’âge plus ou moins astronomiques. Qui s’en soucie ?

Cependant les ligues de vertu ont du s’émouvoir, car ici la différence d’âge est mal vécue. C’est vous dire le degré de conformisme moral du film !

Sanctification de la « virginité féminine » (quasi-pléonasme)

– La jolie jeune vierge survoltée cherche à faire tomber le jeune marié. Mais celui-ci par respect des valeurs familiales mais aussi de la virginité en soi, ne cédera pas.

– Cette re-valorisation de la virginité (jusqu’au mariage?) est une nouvelle donne qui cherche à faire son chemin dans la société américaine. Curieusement c’est dans american pie qu’elle trouve écho. On aura tout vu.

Le tabou de la nudité.

Les enfants doivent être protégés de la nudité. Même si, dans l’urgence, l’on doit se coincer le sexe dans la charnière de l’ordi portable pour le planquer.

Le couvercle de poêle à frire est bien utile pour ne pas montrer son service trois pièces aux visiteurs adultes arrivés là par hasard. C’est un peu raté si le couvercle est en verre transparent, comme on fait maintenant.

Amour et sexe.

Pour les auteurs, il y a clairement d’un côté la sexualité et la fantaisie et de l’autre l’amour sérieux, la famille, la tendresse.

La sexualité est quantitative. « Size matters », comme on le voit dans les nombreuses allusions ou les citations directes.

Quand Stifler défie son patron indien, il se moque de la petite taille de son zizi et ce devant même la maîtresse du boss.

On est dans le même registre quand les trentenaires sont obnubilés par les poitrines généreuses de ces dames. « Size matters ». C’est de l’ordre de la « pesée de gonzesse » dans Les Bronzés (*)

A ce stade, il n’y a plus trop de différences entre la sexualité tarifée et l’autre.

Le fils Levenstein, inversant le rôle de conseil, allant jusqu’à proposer à son père veuf éploré, d’aller fréquenter des « professionnelles ».

Les nouveaux conformismes et le nouveau respect la bien-pensance.

– Ainsi il faut au moins un couple homosexuel dans le scénario. Comme ça le film est conforme. On lui donne son visa d’exploitation.

– Il en est de même des fantaisies sexuelles bien codifiées et un brin « plastiques ». Par exemple l’emploi de quelques ustensiles exotiques et vaguement sado-maso. Dans l’imagerie populaire ils sont sensés redonner vigueur aux vieux couples défaillants. Cela fait partie du décor obligé à présent. On doit trouver tout cela sur Amazon. Plus besoin de cacher le contenu du paquet comme à la glorieuse époque de Beate Uhse, qu’ont connu nos parents ou grands-parents. Cela ne choque plus personne, au contraire il faut l’afficher.

Si c’était pour rire, cela tombe à plat.

– Autre élément statutaire et obligatoire de la nouvelle morale, « l’obèse-qui-a-elle-aussi-droit-au-bonheur »… et accessoirement un siège à ses dimensions dans l’avion (pas dans ce film).

Ici elle négocie un cunil***us à notre ami Stifler. Peu appétissant cette sexualité façon cauchemar en cuisine.

– Et bien entendu on veillera à ne pas faire souffrir les animaux (il y en a dans le film?)

Maintien des apparences.

– On peut mentir sur sa vraie position sociale. Le mensonge avoué est compréhensible tant est fort le besoin de reconnaissance dans cette société.

Le fameux Hayes du code

Envoi
User Review
0 (0 votes)

Laisser un commentaire