Seul au monde (Cast Away) (2000) 6/10

Temps de lecture : 4 minutes

Ah, on va se régaler car c’est une énième variation sur le thème bien plaisant de Robinson Crusoé (1719 – Daniel Defoe). Les jeunes ont découvert ce genre porteur avec Koh-Lanta (2001- … ) mais jouvenceaux ou vieux loups de mer sont tout aussi demandeurs.

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Pourquoi aime-t-on tant ces histoires de débrouille d’un individu isolé sur une île déserte ?

  • D’abord, car bon nombre d’entre nous trouvent leurs semblables toxiques et envahissants, à un moment ou à un autre. Un peu de recul et de silence ne font pas de mal.
  • Ensuite, car le lieu choisi est toujours exotique et paradisiaque. Ce sont des vacances de rêve en quelque sorte. D’ailleurs le voyageur retrouve toujours ses pénates, ce n’est donc pas une prison à vie.
  • Enfin, car en déclinant les possibles avec aussi peu de moyens, on a une vision basique du génie humain. En tout cas un génie à la portée de tout le monde. C’est le même attrait qui pousse les plus humbles vers le concours Lépine, plutôt que vers les plus grandes inventions, dont la complexité nous échappe. Le bricolage c’est plus à notre portée.
  • Il y a sans doute bien d’autres raisons. Je vous laisse libre d’en rajouter à votre guise.

Le film est largement squatté par l’entreprise FedEx™, qui a participé grandement par ses moyens à cette aventure. En retour le portrait est flatteur, avec juste ce qu’il faut de petites piques pour que la flagornerie ne soit pas trop apparente. Un comptable pourrait additionner les apparitions du logo de la marque. Le résultat doit être énorme. Il y a peu de plans où le nom n’apparaît pas. Un placement de produit à la mitrailleuse. Il ne doit pas avoir d’équivalent dans tout le cinéma.

Deux paquets FedEx™ sont en jeu.

L’un comporte un timer qui permettra au superviseur de voir combien de temps à mis le colis pour arriver. C’est une démonstration tayloriste à destination des nouveaux employés. Il arrive à bon port avec juste ce qu’il faut de retard pour faire la leçon.

L’autre semble anodin et va discrètement transiter à travers tout le scénario.

Je ne sais pas pourquoi, mais quasiment dès le début, j’ai eu l’intuition que ce paquet sera remis en mains propres à son destinataire par notre héros, à la fin après toutes les aventures. Une façon de remercier la firme de manière théâtrale, avec un FedEx™ fait le job en toutes circonstances. Cette vision « slogan », qui s’est révélée assez juste, a fini par parasiter mon observation du film. Quand est-ce que cette « chute » va nous tomber sur la tête ?

Le film est dramatisé à l’extrême, mais sans doute vient-on pour cela.

Dès le début, le couple formé par le sympathique Tom Hanks et l’agaçante Helen Hunt se montre très amoureux. Mais le devoir l’emporte. Et Tom partira en pleine fête de fin d’année, et alors qu’il est sur le point de proposer le mariage. Le devoir l’appelle pour une mission de l’autre côté de la terre. Oui, on peut difficilement faire plus téléphoné.

L’avion cargo va se crasher dans la mer. Ce qui permet au réalisateur baroque Robert Zemeckis d’en faire trop en nous exposant dans un court laps de temps tous les malheurs du monde. On se prend dans la même séquence, les chocs affreux, le feu, la mer démontée, la nuit sans repères, le canot abîmé… La scène est outrancière mais efficace en terme d’envolée de la fréquence cardiaque.

Il faut reconnaître que l’ensemble est bien monté. L’inévitable catastrophe donne bien l’impression de chaos. On n’a pas trop le temps de se rendre compte des incohérences de cette surenchère, qui de surcroit laisse notre héros sans une égratignure ou presque.

Plan suivant – merci Seigneur ! – il échoue fort à propos sur une île rocailleuse, mais bien entendu pourvue des nécessaires ressources. Les scénaristes pressés et elliptiques n’avaient pas trop le choix. Il faut bien en arriver là.

  • Rapide calcul d’improbabilité. Qu’il s’en sorte sain et sauf, d’un crash si brutal, avec un canot sous le nez, 1 chance sur 1000.000. Qu’il arrive aussi vite, en bonne santé, à bon port, alors qu’il est au milieu de nul part, 1 chance sur 1000.000. Que l’îlot permette la survie aussi longtemps, 1 chance sur 1000.000. Notez que j’ai été déjà très généreux dans mes chiffres avec le mystificateur de Retour vers le Futur. Et les « chances » combinées ne s’additionnent pas, bien au contraire.

Il trouvera les moyens de se sustenter. Il apprendra à faire du feu « à l’ancienne » et fabriquera des outils paléolithiques. De quoi tenir plus de 4 ans.

Désespéré il confectionnera un radeau pour tenter de rejoindre… on ne sait quoi. Et on repart gaillardement dans notre 1 chance sur 1000.000. Coup de bol, juste avant de mourir en mer, il sera recueilli par un gros navire.

Plans suivants, la difficile réadaptation à ce monde d’opulence, les retrouvailles avec sa promise qui s’est marié à un autre entre temps et a fait un enfant. Pas jouillasse. Mais elle va lui montrer qu’elle l’aime encore. Et alors qu’ils sont sur le point de coucher ensemble, le surmoi collectif versus bien-pensance américaine, leur dicte d’être sages.

Le héros part vers le soleil couchant. Et le paquet FedEx™ porteur de tous les espoirs nous tombe enfin sur la tronche, comme une bonne pluie au milieu désert, pile au croisement de Mort aux trousses. Il sera livré. Il sera délivré. Mission accomplie, boucle bouclée. Alleluias ! Avec même en bonus, une opportunité de jolie jeune femme de substitution. Je ne sais pas si cela rentre dans la déontologie des livreurs FedEx™ de se servir dans les clientes.

Dommage que dans ces films on sache pratiquement d’avance tout ce qui doit arriver.

Une petite mention pour le second rôle tenu par un autre produit « placé », le ballon anthropomorphe Wilson™. Une bonne idée que cette incarnation du bon copain silencieux à qui on dit tout.

Bon, ce n’est pas le tout. Je vais boire tranquillement mon Coca-Cola™ et manger mon Big-mac™ en tapotant sur mon iMac™ – plaisanterie, je me garde bien de fréquenter ces trois marques. Je n’ai rien spécialement contre, mais dès que la pub me semble envahissante je prends le contre-pied. C’est comme cela. C’est ma façon de résister.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Seul_au_monde

Tom Hanks
Helen Hunt

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