Tous les autres s’appellent Ali. Avis Fassbinder. Brigitte Mira – El Hedi ben Salem 7/10

Temps de lecture : 3 minutes

“La peur mange l’âme”. (Angst essen Seele auf).

Dans les années 70, en Allemagne, le racisme « ordinaire » était encore tenace. Ceux et celles qui avaient connu le III ème Reich à 30 ans, étaient encore là. Ils étaient dans leur cinquantaine à présent.

Il faut être lucide, cette génération avaient des préjugés raciaux centenaires, confortés par l’idéologie nazie et donc profondément vissés en eux. Ils prenaient cela pour du « bon sens ». Et sans doute que cette xénophobie intrinsèque n’est pas finie de nos jours.

Le « noir » étaient pour eux la quintessence de l’untermensch ou sous-homme. Il était réputé sale, primaire. On lui prêtait des bas instincts avec en particulier une sexualité animale. Et donc les « aryennes » qui fricotaient avec ne pouvaient être que des « putes » à leurs yeux. En tout cas, cela ne pouvait pas être des Allemandes civilisées.

On en était là.

Et pour se faire un peu accepter, les étrangers de couleurs, devaient pratiquement se conformer aux clichés qu’on leur mettait sur le dos. Il fallait montrer sa soumission et jouer au « bon nègre » pour être toléré. En effet, “La peur mange l’âme”.

***

Brigitte Mira 64 ans joue une veuve assez moche, usée et triste. Elle est une des employées d’une entreprise dans une équipe de femmes de ménage. Ses enfants ont leur propre foyer et se soucient peu d’elle.

Il pleut, elle se réfugie dans un bar tenu par ces étrangers tant redoutés. Endroit qui l’a toujours intrigué et dont elle n’a jamais osé franchir le seuil.

Elle y voit l’acteur El Hedi ben Salem, 39 ans. Il incarne un beau Marocain, musclé, très typé et de tonalité de peau bien sombre. Elle le voit de manière positive. Il l’invite à danser. Ils formeront rapidement un couple solide mais improbable.

Tout le monde « blanc » se ligue contre cette femme qui ose s’afficher dans une telle « différence ». Les femmes congénères de son immeuble, celles du travail, les commerçants. Ses enfants tombent des nues et font la guère au couple qui s’est marié à la hâte sans les prévenir, se doutant bien qu’il fallait les mettre devant le fait accompli.

Brigitte est sur le point de craquer. « Ali » sent qu’il y a du flottement. Ils décident de partir en vacances pour que les choses se calment.

De retour, assez curieusement, le regard des autres semble plus apaisé. C’est une question d’intérêt surtout.

Les différences de culture et d’âge sont devenues plus apparentes. Il y a une divergence entre repas à l’allemande et couscous. Et Ali revient vers son ancienne maîtresse, plus jeune, plus charnelle et plus proche de son monde.

Ali, malgré ses incartades, revient proclamer à sa « vieille » que c’est elle l’élue de son coeur. Brigitte qui sait ce que son homme ne trouvera pas chez elle, lui dit qu’il est parfaitement libre d’être en couple avec elle tout en continuant ses exploits extra-conjugaux.

La démonstration du racisme haineux est parfaitement claire et bien faite.

Ce couple si dissonant est plus problématique ; pas moralement mais cinématographiquement. J’ai du mal à croire complètement à l’amour de Ali pour Brigitte. A moins que cela ne soit une hyperbole voulue, à des fins de démonstration, par l’encore jeune Rainer Werner Fassbinder.

Des situations aussi tranchées existent cependant.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Tous_les_autres_s%27appellent_Ali

https://fr.wikipedia.org/wiki/Rainer_Werner_Fassbinder

Envoi
User Review
0 (0 votes)

Laisser un commentaire