Un ami extraordinaire (2019) 6.5/10 Mr. Rogers, Tom Hanks, Matthew Rhys

Temps de lecture : 4 minutes

(A Beautiful Day in the Neighborhood) L’Extraordinaire Mr. Rogers 

Repris ici :

Un film original, qui est basé sur l’histoire vraie de Fred Rogers. Ce présentateur vedette est archi connu outre atlantique. Pendant plus de 30 ans, il a assuré une émission éducative sirupeuse et lénifiante, pour les enfants mais aussi les plus grands.

Ce « gentil » en marshmallow, est incarné par Tom Hanks,

Il est docte et sûr de lui. Il a d’ailleurs en poche, un diplôme universitaire sur le développement de l’enfant. Mais dans le fond, il ne sait pas grand-chose. Ou en tout cas, il ne l’applique pas.

Tout au long des 886 émissions, il cherche à chasser les vieux démons américains, par la tolérance et la compréhension. Il lui suffit d’être juste éternellement souriant, bienveillant et très propre de sa personne. C’est son passeport pour rentrer les chaumières et émouvoir les cœurs simples.

Il tient à la fois de Pee-wee, de Mary Poppins, du coach de télé-réalité, du gourou, de l’hypnotiseur de foire, du ventriloque et du théologien presbytérien… qu’il a vraiment été.

Tout le monde adore le bla-bla sentencieux de ce prédicateur. Il faut dire qu’il veut du bien à tout le monde, ce qui facilite les choses. Il pourchasse la colère et veut réduire nos tourments psychologiques, quels qu’ils soient. Ses solutions tiennent plus de l’attitude Zen, que l’on doit avoir dans l’adversité, que de mesures concrètes. Ce sont les vraies limites de cette calinothérapie, faite uniquement de paroles apaisantes. Il souffle juste sur les bobos.

D’ailleurs, il ne prend pas le risque de vouloir nous changer. Il déclare en boucle “I like you just the way you are”. Accessoirement, il prend bien garde à ne pas faire de l’exercice illégal de la psychiatrie.

Toujours en représentation, il a gommé toutes les aspérités possibles. Aidé de marionnettes et de chansons, il se consacre au bien-être télévisuel. A l’écran, il privilégie le bon côté de chacun. Le côté le plus photo-hygiénique, je suppose.

  • On a parfois raison de se méfier de gens comme cela…

Le scénario tend à montrer que dans la vraie vie aussi, il aurait été ce bon Père symbolique, passablement illuminé. Une chanson hommage reprise collectivement par tous les passagers d’un métro, en sa présence, est censée le démontrer.

Il est très très proche des enfants. Au point qu’au début du film, n’étant pas informé, je me suis demandé si ce n’était pas une histoire de pédophilie.

Mais, avec mon scepticisme bien français, je vois sans doute le mal partout.

Il y a de quoi être dérouté. C’est si américain, et si loin de nos mentalités, ce moralisme sentimental, un brin dévot. Aussi écœurant que leurs gâteaux crémeux !

L’histoire prend un tournant, quand apparaît le journaliste tourmenté, de la prestigieuse revue Esquire. Il est joué par Matthew Rhys.

Comme il a la dent dure, les vedettes se méfient de lui. Il est empêtré dans les problèmes professionnels et familiaux.

Et là curieusement, c’est le célébrissime Rogers, son total opposé, qui le demande pour qu’il lui fasse son interview. Le présentateur se prend d’amitié pour celui qui lui apparaît comme un cas à résoudre. S’en suit une sorte de psychanalyse du plumitif. Par petites touches, le gourou des enfants, parvient à percer ses tourments intérieurs. En particulier le conflit avec son père, qui va jusqu’aux coups de poing. De la psychanalyse de comptoir.

Et Rhys, au bord de la dépression nerveuse, ne souhaite pas qu’on se mêle de ses histoires. Il trouve profondément agaçant ce personnage trop attentionné. Il n’a pas envie qu’il vienne trifouiller son cerveau. L’un voudrait briser la coquille pour le libérer, l’autre veut la conserver pour se protéger.

Le spectateur peut être partagé aussi. Personne n’aime être dupe.

Mais l’emprise attentionnée de l’animateur finit par rompre les digues. Et le film se termine dans une sorte de réconciliation générale. Tout le monde s’embrasse, on fait des photos devant le sapin. Très happy-end façon US !

Et le journaliste, bien entendu, fera un article légendaire, avec Rogers en première page. Le feel-good et happy-story-telling veut cela.

Sur la technique de la réalisation.

Une habile astuce de cinéma, consiste à remplacer les plans extérieurs par des maquettes-jouets où se baladent des Dinky toys. Avec cet artifice en Lego, pas la peine de reconstituer les coûteux décors de l’époque (des années 60 à 2000). Ce sont des interludes plaisants et apaisants, fort à propos dans ce monde disneyisé.

On peut apprécier aussi, l’imbrication bien pensée, de plans télé et de l’histoire « vraie ». D’ailleurs, le présentateur intègre le journaliste dans son émission, avec sa « réalité », pour parfaire sa cure psychologique.

Bon alors, qu’en penser ?

Même vue en anglais, cette œuvre reste très étrange. Bien sûr le réalisateur joue sur les deux tableaux, d’un côté l’empathie et de l’autre ce je-ne-sais-quoi du personnage. En tout cas, tel qu’il est interprété par Hanks.

Mais curieusement, le vrai Rogers a l’air plus consensuel et moins énigmatique que Tom Hanks dans le film.

Dans un film américain comme il se doit, on n’échappe pas au traditionnel enchaînement de la confession de ses fautes, de la contrition, du pardon et du classique reborn.

Emprisonné dans ce monde de poupées, on reste sur sa faim.

On aurait voulu comprendre qui était réellement ce Rogers, au-delà de ses apparences trop lissées. C’est une histoire-fable cathartique, un peu trop linéaire.

Cet adepte de la non-violence psychologique, serait pourtant décrit par certains de ses collaborateurs moins fans, comme pouvant être emporté, psychorigide et trop perfectionniste. Ceux-là ne se sont pas trop sentis « avoir été aimés juste comme ils sont ». Mais ce côté est totalement occulté dans le film. Dommage !

Bien, maintenant, une minute de silence !

Pendant les prochaines 60 secondes, vous penserez à ceux qui vous aiment vraiment, les uns après les autres. A en croire le mage, cela aiderait à briser les mauvaises pensées.

https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Extraordinaire_Mr._Rogers

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