Une poignée de seigle. Trucs, répétitions Agatha Christie. Julia McKenzie mauvaise Marple. 6/10

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« A Pocket Full of Rye » est à la fois un titre énigmatique et aguicheur, surtout lorsqu’il s’agit de ce sous-genre qu’est l’histoire policière.

Mais c’est aussi une comptine qui parle aux Britanniques et dont le fil semble respecté à la lettre dans le récit.

  • D’ailleurs Agatha Christie utilisera des parties de ce motif plusieurs fois dans ces œuvres. Un peu comme les vieux gâteux qui ne se souviennent que des choses apprises dans leur enfance.

J’ai déjà eu l’occasion à maintes reprises de me plaindre du manque de réalisme de ces romans noirs, tant pour le nombre de victimes, que pour le nombre de suspects.

Le pire étant les concours de circonstances fort a propos, bien que d’un irréalisme confondant. La source se tarissant inexorablement, ces mauvaises « ficelles » finissent par se ressembler d’un livre à l’autre y compris pour les variations / improvisations sur le thème. Les plus gentils appellent les « normes » de cette « machine à lire », le style. Seule vertu du système, c’est qu’il n’y a aucun intérêt de zapper le gros du récit pour se rendre à la fin. Le seul nom du méchant n’est pas si significatif que cela. Et donc Agatha ne nous incite pas à chercher nous-même le coupable, contrairement aux apparences et au canevas habituel. Comment le pourrait-on puisque tant d’éléments sont soustraits volontairement par l’auteure.

  • Et à nouveau, il y a 3 meurtres. Ces morts en série semblent indispensables à Agatha Christie pour tenter de garder un rythme haletant. Mais c’est bien trop systématique dans ses romans pour avoir de la vraisemblance.
  • Le « truc / gimmick » qui encombre nos têtes aussi sûrement que les scies musicales de l’été (j’ai bien aimé Despacito tout de même) – Ici ce sont ces grains de seigle et des merles rieurs – On retrouve ces merles et/ou ce seigle un peu partout, y compris en Afrique. Ces broderies sur un thème sont on ne peut plus artificielles. Moi, je déteste cela. Mais quand on s’ennuie dans un train, on n’est pas trop regardant sur ces particularismes de roman de gare.
  • Et puis ce fil conducteur est aussi une sorte de fausse piste. Elle s’amuse à nos dépens cette Agatha.
  • Filiation inconnue et/ou retour du fils ou de la canaille prodigue. Changement de nom opportun, qui sera l’occasion d’une complication supplémentaire. Ah ces écrivains !
  • Un Rupert Graves (Lance Fortescue) trop aimable et trop apprécié de presque tous, pour ne pas être le coupable.
  • La motivation « héritage » qui devient bien compliquée avec des meurtres des ayant-droits en cascade et des clauses « spéciales » dans le testament. Ce « machin » la brave Agatha nous le refait un peu trop souvent.
  • Vieux conflits larvés qui refont surface et pourraient bien expliquer pas mal de choses. Là encore une « béquille » romanesque.
  • Intrigante, bête ou madrée, qui a des décennies de moins que son époux. Ce qui donne des suspicions dans ces ambiances de frustration sexuelle, quasi victoriennes. Mais la blonde Anna Madeley (Adele Fortescue) sera la deuxième victime, ce qui en gros l’innocente.
  • Mort imbuvable qui mérite presque son triste sort.
  • Une Miss Marple qui intervient presque toujours au centre de la série criminelle. Ce qui lui donne en théorie l’occasion de penser à froid lorsqu’il s’agit de faits passés et l’occasion d’avoir des remords quand le défunt a été trucidé quasi sous ses yeux. Les Poirot ne font pas mieux. Mais là au moins, on a du spectacle avec un Suchet qui se traite de tous les noms.
  • A une raison d’être présente à ce festin de seigle puisque son ancienne bonne Rose Heiney (Gladys) est à présent au service de cette famille richissime. Cette grosse nouille tient des propos bizarres avant de devenir la troisième défunte. Mais qu’a fait Marple pour la protéger ? Et c’est là encore le canevas routinier qui fait que Agatha Christie tend à trucider ceux qui savent et qui sont prêts à des révélations. A noter que ces derniers préfèrent laisser du temps à leur assassin plutôt que dire clairement les choses au téléphone ou de vive voix. Exception ici puisque la vérité aura été mise dans une lettre, malheureusement découverte trop tardivement. Quand on veut compliquer le « scénario », on en fait de contorsions ! Ce qui a de curieux c’est qu’on ne cherche pas à éliminer les Marple ou les Poirot qui sont les seuls à avoir compris. M’enfin, soyez logique !
  • Laura Haddock (Miss Grosvenor) est une sorte de gouvernante qui n’attire pas forcément la sympathie. Est-elle la coupable pour autant ? Eh non, puisque la loi du genre Christi(qu)e fait que ceux qui sont en première ligne des suspects finissent quasi toujours comme innocents.
  • Les archétypes sont légions dans ce monde de riches et/ou d’aristocrates qui pourraient faire rêver s’ils n’étaient pas descendus en vrilles en raison de leurs envies néfastes et de leur comportement toujours discutables.
  • Contrairement à ce que le public croit en général, la déduction n’est pas le point fort de ces intrigues. D’ailleurs, on ne se souvient que rarement du verdict final. Ce qui domine c’est une certaine forme de psychologie, grâce à laquelle l’autrice n’a pas de mal à nous mener par le bout du nez.
  • Et je ne parle pas des mauvaises habitudes partagées par tant d’auteurs du genre, comme le coupable qui n’est découvert qu’à la fin, la nasse bien fermée où se situe forcément le meurtrier et où tout le monde se déchire et puis toutes ces routines…
  • Etc.

Cette Julia McKenzie gris souris ne me convainc pas dans ce rôle de Marple. Je conserve mon estime pleine et entière à la fraîchement débarquée Geraldine McEwan.

Différentes phases du roman « à la Christie » selon José García-Romeu :

Exposition : on dresse la scène, bien délimitée et sans coulisse, et on découvre assez vite le corps de la victime. En ce sens, le début combine deux fins dont la première est l’interruption brutale d’un processus naturel causée par la réalisation calculée de la seconde : fin scandaleuse d’une vie produite par l’aboutissement du projet criminel.

Développement : les témoignages se succèdent, portés par des personnages narrateurs dont le détective est le narrateur ; les indices s’accumulent ; quelquefois un nouveau crime se produit (contre le curieux trop bien renseigné) ; la psychologie des suspects est sujette à de nombreuses et ingénieuses observations ; le détective fait l’idiot afin de tromper son monde…

Dénouement : un renversement de la narration a lieu, l’enquêteur assumant à son tour la parole qu’il distille savamment à l’assistance des suspects. La culpabilité étant déterminée, l’ordre est rétabli. En outre, alors que le début du roman était une fin, sa fin est inversement le début d’un récit jamais engagé où l’on verrait l’assassin jugé, condamné et exécuté.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Une_poign%C3%A9e_de_seigle

https://fr.wikipedia.org/wiki/Saison_4_de_Miss_Marple

https://journals.openedition.org/babel/252?lang=en

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