Vacances romaines. Gregory Peck, Audrey Hepburn. Wyler. Mulhouse visite Rome. 8/10

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La réalisation du Mulhousien William Wyler est de très bon niveau. Le noir et blanc n’était déjà pourtant plus très en vogue en 1953. Mais il faut bien dire que sa sobriété, qui contraste avec les fastes princiers, donne du cachet.

On applaudit ce long métrage. Pourtant il ne s’agit que d’une romance féerique, avec en lieu et place des amours du Prince et de la bergère, celles de la Princesse et du journaliste. Mais c’est tout comme.

Ce qui sauve ce scénario, c’est l’élégance et la finesse du ton et de l’action. A la base il y a le travail de l’anticonformiste Dalton Trumbo. Les acteurs principaux Gregory Peck et Audrey Hepburn forment un couple subtil et qui a du répondant. L’hyper féminine Audrey n’est pas neuneu et le beau mâle Gregory sait faire ce qu’il faut, sans tomber dans le machisme exacerbé. Malgré les différence de classe, ils sont positionnés d’égal à égal.

La dynamique est donc favorable. Et de multiples petites trouvailles agrémentent l’ensemble.

Bien que l’affaire soit claire pour tout le monde dès le début, il y a ce je ne sais quoi de grâce suspendue, qui nous permet quand même de rêver. Le déterminisme classique qui empêche les mésalliances est rude, mais cet interdit est atténué par les regards passionnés mais intelligents et les profonds baisers, permis en cachette, entre les lignes.

Les non-dits sont nombreux. Les mensonges nous semblent véniels compte tenu des enjeux. La sincérité est dans ce bonheur bien visible et qui n’a pas l’air du tout factice. Ce rendu parfait d’une plénitude indiscutable, on la doit à ces comédiens de premier plan.

Lors de sa descente sur terre, sainte Hepburn consume tout et tout le monde. C’est l’éclair dans le ciel serein d’Italie et d’ailleurs. La petite fiancée du monde n’a pas fini de faire parler d’elle. Oscar de la meilleure actrice pour Audrey Hepburn et Golden Globe de la meilleure actrice dans un film dramatique. La mode va s’arracher cette actrice britannique née en Belgiqeu, qui représente si bien le bon goût.

Notre Cendrillon au sang bleu, fidèle lectrice de Heidi, sait bien gigoter chez les grands et les petits de ce monde ; sa mère est la baronne Ella Van Heemstra et son père a failli être aussi un Van quelque chose. Le vrai, celui de la seconde noce, virera fasciste.

La légende de la belle est d’autant plus fameuse qu’elle saura quitter le cinéma à temps ; c’est à dire au sommet de la courbe. Son engagement humanitaire la portera vers d’autres cimes.

Peck est impec comme il se doit. Il incarne une certaine noblesse… ce qui tombe bien ici. Je ne comprends pas qu’il n’ait jamais eu d’Oscar ou de Golden Globe. Il le méritait plus que d’autres. Mais ces récompenses félicitent plutôt l’outrance et la « performance », des travers qu’il a su éviter.

Il incarne l’élégance naturelle et non ostentatoire. Un exercice très difficile qui fait qu’on parle plutôt d’un don plutôt que d’un travail forcené sur son image (*)

Voilà deux monstres archétypaux, auxquels le public n’a pas fini de s’identifier.

Paparazzo et sa déclinaison en paparazzi n’apparaîtra qu’en 1960 dans l’immense La dolce vita de   Fellini. Et pourtant c’est fou comme le duo, ici présent, du photographe Eddie Albert avec le journaleux Gregory Peck ressemble à Walter Santesso associé à Marcello Mastroianni.

Paolo Carlini nous joue le coiffeur italien, dans toute sa splendeur. Et là encore on ne peut que constater que ce prototype fera des petits, comme avec Lando Buzzanca dans Le Corniaud.

Le côté balai dans le fondement des personnages qui gravitent dans la sphère royale est conforme aux multiples représentations de l’époque, mais a beaucoup vieilli. Ce ressort comique, usé jusqu’à la corde, ne fonctionne plus très bien.

Bien sûr qu’en 1953, le récit monarchiste à la « Point de vue » pouvait encore faire illusion, même chez des républicains, comme nous autres. C’était souvent mignon qu’on finit par oublier 1789.

Le faste aristocratique faisait rêver dans les pauvres chaumières. De nos jours les ficelles commerciales de cet anachronisme sont devenues trop visibles. La banlieue à d’autres Shah à fouetter. Les anti comme moi, se sentent menacés par l’avalanche de bêtises à venir, chaque fois qu’une reine proche meurt, qu’un roi va être couronné ou qu’un Harry pète de travers. C’est bien pour cela qu’on leur souhaite hypocritement longue vie… et qu’ils nous fichent la paix.

Cela dit, même les rationalistes anti-privilèges les plus forcenés, ceux qui auraient un cœur de pierre, sont à deux doigts de verser une larmichette à la fin du film.

***

(*) Puisque j’ai mentionné l’élégance de Gregory Peck, j’en profite pour faire une incise, grâce à l’excellente intervention de Mathieu Bock-Côté dans le dernier numéro de dandy, le magazine :

« La tradition nous immunise contre l’utopisme, contre la fiction du grand recommencement et les manipulations symboliques, en nous ancrant dans un terreau vivant, qui nous alimente au temps présent. Elle nous rappelle que le présent n’est jamais auto-référentiel, et donne un visage au droit à la continuité historique.

L’élégance est une manière d’incarner une résistance esthétique à l’avachissement de l’époque.

Vous me demandez pourquoi de jeunes hommes, aujourd’hui, renouent avec ce que nous nous plaisons à appeler l’art sartorial. J’y vois, instinctivement, sans que la chose soit théorisée ainsi par chacun, une forme de révolte contre l’avachissement contemporain, contre la destruction de notre civilisation. Nous avons été élevés dans un monde aux repères flous, et pour la plupart, nous avons aussi été privés des grands rituels qui structurent l’existence »

Extrait publié ici avec l’aimable autorisation de M Yves Denis – Directeur des Publications

https://fr.wikipedia.org/wiki/Vacances_romaines

https://www.pointdevue.fr/

https://fr.wikipedia.org/wiki/La_dolce_vita

https://fr.wikipedia.org/wiki/Audrey_Hepburn

https://fr.wikipedia.org/wiki/Gregory_Peck

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