À nos amours. Pialat acteur et réalisateur. Bonnaire. Famille toxique. 8/10

Temps de lecture : 3 minutes

Ce film de 1983 est très apprécié dans la communauté des amateurs de Maurice Pialat. Je l’avais vu, il n’y a pas si longtemps que cela.

Pourtant je ne retrouve pas le récit critique que je fais généralement après un visionnage. Oubli ? Paresse ? Acte manqué (Fehlleistung chez Freud), ou plutôt non-acte manqué ?

Pas grave, car cette deuxième « lecture », me permet d’aller plus loin.

Il est de notoriété publique que Pialat en agace plus d’un. Moi je l’admire. Il est excellent dans de nombreux films. Et sa franche misanthropie, je la comprends eu égard à ce peuple de malcomprenants que forme la critique institutionnelle.

Pourtant À nos amours ne m’avait pas tant emballé que cela la première fois, en tout cas tout au long de la première partie. J’avais pris ce film pour une déclaration d’amour de Pialat à la très jeune Sandrine Bonnaire. Le côté cœur d’artichaut de l’héroïne ne m’avait pas convaincu non plus. Enfin, autant le dire tout net, je n’aime pas tant que cela cette actrice. Je sens un blocage physique et mental quand je la vois jouer. C’est comme cela.

Mon erreur initiale a été surtout de ne considérer que le seul rapport semi-amoureux Pialat / Bonnaire – Père / fille, avec cet inceste platonique des esprits. Bien sûr, il ne faut pas négliger Bonnaire en tant qu’alliée privilégiée de l’auteur, au point qu’il a façonné son rôle sur ce qu’il lui semblait être ce qu’elle est.

Mais pour une meilleure compréhension, il faut intégrer cette problématique à un plus vaste ensemble, celui des rapports conflictuels, des alliances et des mésalliances, dans une famille décomposée. Et là la fresque globale trouve tout son intérêt. Ainsi Pialat en tant que père qui cherche à échapper à la lourdeur gravitationnelle de cette famille, devient le personnage principal.

Pialat metteur en scène nous gratifie d’un superbe rendu de ces interactions, on ne peut plus complexes et sensibles. Le sujet s’éclaire à nouveau et de manière plus vive. Et en ce sens, l’apostrophe finale de Pialat à la famille réunie à table, est d’une rare qualité. L’apparente brutalité n’est là que pour inciser notre mental et permettre à la leçon de produire son effet. C’est aussi efficace que le coup de pied aux fesses du Maître Zen à son élève impatient. Un des meilleurs chemins pour s’approcher de l’illumination.

Si l’on choisit ce regard là, alors on découvre un véritable morceau d’anthologie, de part sa portée réaliste parfaitement intemporelle (déjà 40 ans!). De quoi hausser le film à un 8/10, sans plus d’état d’âme. Le bon dieu se cache dans ses « détails ».

Et l’ensemble des acteurs montrent alors une belle cohérence, malgré leurs disparités ontologiques. Même le crispant Dominique Besnehard trouve sa place, en tant que frangin possessif.

Pialat, le père en tant qu’acteur, devait mourir au final, dans la première mouture. Mais compte tenu de son immense importance, un remaniement de scénario l’a sauvé du naufrage. Ce qui permet la tirade du transport en commun, un exercice qui apporte plein de nuances supplémentaires. Il aurait été dommage de le faire disparaître en si haut vol et de tomber ainsi dans une pauvre ficelle de mélo.

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%80_nos_amours

https://fr.wikipedia.org/wiki/Acte_manqu%C3%A9

Envoi
User Review
0 (0 votes)

Laisser un commentaire