Aloïs Brunner, tueur de juifs de Drancy à Damas. Karl Zéro. 7/10

Temps de lecture : 4 minutes

Les récits de guerre et apparentés sont devenus une spécialité télévisuelle de plus. Ses concepteurs veulent attirer le chaland en faisant preuve d’originalité. La dernière marotte étant la couleur pour une période de 1939-1945 où c’était encore rare. Mais il y a aussi la possibilité de sortir enfin des dossiers chauds mais moins connus.

Ce documentaire de 2018 nous relate donc la folle histoire de la fuite et de la traque d’Aloïs Brunner. Un gros malin du régime criminel nazi, qui de part sa place privilégié dans la hiérarchie, est impliqué plus que d’autres dans des atrocités. Il a été condamné à mort par contumace, mais a su se faufiler hors d’atteinte des alliés et des traqueurs de nazis. Il est mort sans avoir été touché par ses poursuivants (sauf pour quelques doigts perdus « grâce » à une bombe du Mossad). Et tout au long de sa vie, il a toujours défendu avec fougue son idéologie mortifère.

Le premier chef d’accusation, il le doit en tant que haut responsable de l’extermination de pas mal de monde en Europe. On parle de centaines de mille !

Et en ce qui concerne la France, il est l’ordonnateur zélé de nombreuses rafles de Juifs, dans toute le territoire. Il a été du genre à anticiper la demande. Il a fait de cette chasse une affaire personnelle.

Il a été le chef du camp de Drancy et a donc fait déporter de nombreux Juifs. Il est également responsable du martyr des enfants d’Izieu.

C’était un antisémite forcené et « efficace ». Il prenait sa « tâche » très à cœur. Il s’inquiétait qu’un non juif soit enlevé à tort par ses services, mais redoutait encore plus qu’un juif lui échappe. C’est dit dans le reportage.

Preuve de son fanatisme racial intrinsèque, il a continué ses méfaits avec diligence même en 1945. Ceci même après que Himmler lui-même ait entrepris des négociations avec les alliés et ait cherché à échanger la vie de juifs contre une certaine bienveillance à son endroit.

L’anti-bolchévisme de Brunner étant aussi mis dans la balance, il a su s’approcher sous un faux nom des alliés, pour leur rendre des services (hum). Il s’est barré à temps au moyen-orient, avant d’être découvert.

On peut comprendre que de capturer un tel personnage ait été un but premier des organisations juives mondiales, mais aussi de tout humaniste.

Pourtant Alois Brunner a eu de beaucoup de chance (Inch Allah?) et a bénéficié d’une curieuse mansuétude. Il a vite compris que les Syriens non seulement le protégeraient de part leurs haines communes, mais auraient en plus besoin de son expérience, en tant qu’ancien rouage supérieur de la Gestapo.

Et en effet, celui qui détestait les Juifs autant que la plupart des dignitaires arabes de Syrie, surtout après la création de l’état d’Israël en 1948, a trouvé de fortes amitiés là bas. C’est le classique « les ennemis de mes ennemis sont mes amis ».

Il a aidé à façonner l’outil ultra-répressif du régime et a facilité l’acquisition d’armes et la formation des soldats.

Pour des raisons obscures il n’a jamais été inquiété vraiment. Même Hafez el-Assad, en visite en France, feignait qu’un tel criminel soit en Syrie. Bachar el-Assad n’a rien fait non plus. Sans doute que le régime qui a toujours nié l’évidence, voulait maintenir cette ligne pour ne pas paraître avoir menti dès le début. Vers la fin, l’embarrassant Brunner est devenu fou. Il a été enfermé dans une discrète geôle syrienne. Et là peut être était-il mis au « frigo » en attendant de pouvoir être négocié contre quelque chose.

Et même encore maintenant, malgré l’opiniâtreté de Simon Wiesenthal, Beate et Serge Klarsfeld, ce grand criminel reste assez méconnu. Pourtant, contrairement au cas Eichmann, on ne peut pas invoquer la banalité du mal pour le diabolique Brunner, comme l’a fait Hannah Arendt dans son récit sur Eichmann à Jérusalem. Il était donc plus facile de propulser une telle engeance, pratiquant la perversité du mal, sur le devant de la scène face au public, puisqu’il était facilement reconnaissable en tant que persécuteur nazi obstiné et tueurs d’enfants entre autres.

C’est le m’as-tu-vu Karl Zéro qui est à l’origine de ce documentaire. Les bras m’en tombent ! N’y a-t-il pas mieux pour s’occuper de la grande histoire ? Heureusement qu’il ne paraît ici comme une voix off, dans un texte qui ne doit pas être le sien. Moins on le voit, mieux on se porte. La place a été laissée à des spécialistes et c’est bien mieux comme cela.

Le top du classement de Google se contente de répéter bêtement ce « Le criminel de guerre nazi Aloïs Brunner aurait livré son expertise aux services de sécurité syriens en échange de sa protection après la guere » avec la même faute d’orthographe sur le mot guerre. Quand est-ce que ce moteur de recherche accordera plus d’importance au contenu qu’aux rentes de situations des sites friqués.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Alois_Brunner

https://fr.wikipedia.org/wiki/Heinrich_Himmler

https://fr.wikipedia.org/wiki/Banalit%C3%A9_du_mal

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