At Eternity’s gate (2019) Avis folie Arles. Van Gogh 8.5/10 Dafoe, Gaughin –

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Un fou Van Gogh ?

Ces « douleurs », ils les cachent dans les tableaux. Dans ces meules de pailles apparemment bonhommes et naïves, empruntées pour l’occasion à Monet. Ce retour aux sources impossible, sous le regard de sombres corbeaux.

Autant de tentatives infructueuses de « recadrer » l’ordre du monde, à la fin du parcours.

Car tout s’échappe, y compris ces couleurs désormais incontrôlables.

L’explosion se produit, les digues sont rompues. La déferlante jaune va occuper tout l’espace et bien au-delà.

« Ces corbeaux peints deux jours avant sa mort ne lui ont, pas plus que ses autres toiles, ouvert la porte d’une certaine gloire posthume, mais ils ouvrent à la peinture peinte, ou plutôt à la nature non peinte, la porte occulte d’un au-delà possible, d’une réalité permanente possible, à travers la porte par Van Gogh ouverte d’un énigmatique et sinistre au delà. » Antonin Artaud dans « Van Gogh le suicidé de la société »

Alors que la plupart des « fous » se bagarrent en vain contre des chimères invisibles, lui, à coups de « couteau », cherche à les bloquer dans la matière brute de ses tableaux.

Pas littéralement, mais par le biais de ces denses insinuations qui font sortir l’image de ses deux dimensions habituelles.

Par l’écrasante lumière qui tend vers le rien ou le surnaturel.

Par ses compositions à la fois solides et bien assises mais qui s’échappent toujours en réalité dans des perspectives improbables, des lois géométriques inconnues.

La « couleur tombée du ciel » en quelque sorte.

Cette vibrance indicible, cette sincérité dérangeante, cette explosion des sens, nous renversent au point de parfois nous faire pleurer.

« Car c’est bien cela tout Van Gogh, l’unique scrupule de la touche sourdement et pathétiquement appliquée. La couleur roturière des choses, mais si juste, si amoureusement juste qu’il n’y a pas de pierres précieuses qui puissent atteindre à sa rareté. » Antonin Artaud dans « Van Gogh le suicidé de la société »

« Décrire un tableau de Van Gogh, à quoi bon ! Nulle description tentée par un autre ne pourra valoir le simple alignement d’objets naturels et de teintes auquel se livre Van Gogh lui-même, aussi grand écrivain que grand peintre et qui donne à propos de l’œuvre décrite l’impression de la plus

abasourdissante authenticité. » Antonin Artaud dans « Van Gogh le suicidé de la société »

Retour à Arles.

Son « ami » Gauguin plus civil et intégré, ne tarde pas à nouer des amitiés avec le peu de personnes qui s’intéressent encore à Van Gogh. Et ce dernier craint de voir disparaître ce maigre lien qui lui reste avec ses semblables.

On assiste ainsi à une scène poignante où il découvre que Gauguin est en train de faire le portrait de la vénéneuse Emmanuelle Seigner et que Van Gogh maladroit plante son chevalet devant eux pour essayer de rattraper son retard. En vain.

Les fâcheries entre les deux artistes passent souvent pour redoutables, mais là elles sont adoucies, presque tendres.

Je ne m’attarderai pas sur la thèse contestée du décès accidentel par le tir au pistolet des enfants, ni sur ce bloc à dessin retrouvé en 2016 à l’authenticité douteuse.

Ce film aussi doué soit-il n’est encore qu’un passage étroit vers l’œuvre.

  • Ce n’est pas encore la 9ème porte (Emmanuelle Seigner !)
  • Mais il peut servir à aller plus loin. Peut-être déjà lire ou relire les éblouissantes lettres à Théo.
  • Puis nécessairement aller voir les tableaux, plutôt à Amsterdam qu’au musée d’Orsay.
  • D’autres portes s’ouvriront.
  • Le « Dharma-Body qui se manifeste dans une chambre à coucher bourgeoise » du Nabi Vuillard peut aider (The Doors of Perception par Aldous Huxley).

Tout cela peut paraître hermétique et obscur, mais il faut bien comprendre que l’Art avec un grand A, n’a rien de démocratique et grand public, c’est un sujet pour seuls initiés.

Les créateurs et acteurs de ce film l’ont bien compris.

Il n’y peut être que cet autre fou génial Antonin Artaud qui s’est approché assez de l’homme, de l’oeuvre.

Mais rien ne vous empêche de passer votre chemin et d’aller voir une bonne comédie !

Je vais sans doute choquer en disant cela.

« Je vois, à l’heure où j’écris ces lignes, le visage rouge sanglant du peintre venir à moi, dans une muraille de tournesols éventrés, dans un formidable embrasement d’escarbilles d’hyacinthe opaque et d’herbages de lapislazuli. Tout cela, au milieu d’un bombardement comme météorique d’atomes qui se feraient voir grain à grain, preuve que Van Gogh a pensé ses toiles comme un peintre, certes, et uniquement comme un peintre, mais qui serait par le fait même, un formidable musicien. » Antonin Artaud dans « Van Gogh le suicidé de la société »

Mais vous, oui vous là, qu’avez-vous fait de la maison jaune ?

(*) En tout cas je n’aurais pas donné l’Oscar à un Rami Malek en Freddie Mercury, pour vous dire « d’où je parle ».

https://fr.wikipedia.org/wiki/At_Eternity%27s_Gate

La bonne oreille ?

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