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Ils sont bons, ils sont vraiment bons, ces Canadiens / Américains.

Ils sortent des sentiers battus (hum) alors même qu’ils ne font ici qu’un énième exercice de télé-réalité.

Le danger est bien réel. Et même si ces « acteurs » « performeurs » « professionnels de la route » sont choisis à dessein, les circonstances les mettent à nue. Ils peuvent difficilement tricher.

La question est alors, la limite à trouver entre la vie privé et ses nécessaires jardins secrets et l’obligation de spectacle.

Ce point est bien illustré par le chauffeur professionnel Rick. Sa fille de 21 ans est atteinte de mucoviscidose d’intensité élevée. Sa vie ne tient qu’à un fil et son père n’est d’aucun secours car il est dans les contreforts de l’Himalaya. C’est révélé avec beaucoup de décence et Rick demande à la caméra de le laisser tranquille quand il veut s’isoler avec son dilemme, rester ou repartir. Bien qu’il ne soit pas croyant, il accepte facilement les rites et les coutumes de l’hindouisme populaire. Il est sans doute le plus réceptif du trio. Presque un camionneur philosophe comme le furent Jean Yanne et Paul Mercey dans l’extraordinaire sketch « des forçats de la nuit » ou « les routiers mélomanes ».

Le brave Dave est un Américain très Middle West et rentre-dedans. La différence entre l’exercice de son métier US très sécurisé et la quasi absence de règles dans cette jungle indienne, fait qu’il jure et qu’il honnit en permanence. D’aucuns pourraient y voir une posture méprisante et impérialiste. Il apprendra sans doute beaucoup de cette immersion profonde dans le « vrai » monde.

Cette catégorie de routiers de comédie est virtuellement composée de gros machos mal rasés, qui soignent la virilité simiesque de leur démarche et s’expriment forcément avec une voix ultra-virile. Ils toisent nécessairement le monde de haut (de leur cabine). Ils ne peuvent être qu’en tenue sale, huileuse et dépareillée. On peut donc leur reconnaître une indéniable authenticité. Mais ce sont aussi des individus capables de tendresse et d’écoute. Ils ont un regard clair sur certains défauts de l’humanité, qu’ils savent deviner à la façon dont les autres (se) conduisent.

La jeune femme Lisa nous captive comme ces amazones mythologiques. Elle est belle et fine et pourtant elle se doit de maîtriser un infernal camion gainé de bois, pauvre en assistance, dans les routes les plus mortelles du monde. Elle montre des coups de mou sentimentaux, comme pour cette adoption de petit chiot tout mignon. Ce substitut de maternité comme ultime refuge. Elle n’est pas exempte d’une certaine superstition ; cette béquille bien utile quand on est confronté à un total inconnu.

En femme qui se considère comme « libérée » elle voudrait bien que son guetteur indien cesse de lui dire ce qu’elle a à faire. Mais est-ce raisonnable ? L’expérience de cet homme est évidemment un trésor avec lequel il vaudrait mieux savoir composer.

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Sous-jacent à ce genre d’exercice de type « On achève bien les chevaux », est la valorisation du « salaire de la peur », du « prix de la sueur », du « triomphe de la volonté ». Mais cela est un très grand chapitre, souvent développé sur ce site et qu’on va laisser de côté cette fois.

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Bien sûr il y a des biais. Nos amis sont visiblement accompagnés d’un staff qui sans doute leur permettrait d’éviter les grosses catastrophes. La caméra est là, qu’on se le dise. Et puis surtout, ceux qui se présentent comme des valeureux aventuriers repoussant les limites, ne font en fait que le boulot « ordinaire » des pauvres chauffeurs indiens, avec je suppose un salaire quasi indécent par rapport à leurs homologues in situ. Si nos Américains et Canadiens souffrent sur quelques semaines, qu’en est-il pour les autochtones forçats qui sont là pendant des décennies.

Ces émissions datent de 2010. Il aurait été très intéressant d’interroger les protagonistes maintenant. Avec le recul, ils auraient sans doute beaucoup de choses à nous dire, sur leurs attitudes d’alors et leur réceptivité à ce monde si étrange, si dangereux mais si fascinant.