Temps de lecture : 3 minutes

On pourrait s’étonner que l’on s’intéresse à une série télévisée qui met en scène la dure vie des camionneurs australiens. Pourtant, à bien y regarder, cela ne manque pas d’intérêt.

C’est un monde qui reste inconnu pour la plupart d’entre nous. Et ce doublement, d’abord parce que les voyages des Européens sur ces routes difficiles d’Australie sont rares et ensuite parce que la vie des routiers de l’impossible est assez indéterminée et ne manque pas d’enseignements. On pourrait presque parler d’un des derniers refuge des vrais péripatéticiens, au sens aristotélicien. Le déplacement nourrissant les réflexions profondes et inversement.

Il y a en nous une part d’aventurier qui n’est pas satisfaite par notre existence exagérément protégée et normée. Il faut donc qu’on aille à la rechercher de ces dernières possibilités d’exploration adrénergique.

Il y a déjà longtemps que la surprise ne vient plus des autoroutes de l’Everest, devenues de quasi promenades de santé. Le frisson n’est plus dans ces destinations lointaines que l’on prétend exclusives, mais où on trouvera inéluctablement des touristes comme nous. Et je ne parle même pas des trekkings de bobos, qui sont totalement organisés et sécurisés, mais dans laquelle ils se complaisent comme s’ils faisaient partie d’une élite. D’élitisme il n’y a que le prix.

***

Chaque épisode nous montre en parallèle plusieurs galères. Et une heure de cela suffit amplement à la réflexion. Au bout d’un moment, je suppose qu’on arrive à la satiété et à la reproduction de la majeure partie des situations.

Aventuriers, ils le sont, au sens kesselien du terme (joseph-kessel).Ils en ont le gabarit physique à défaut d’en avoir toute l’envergure philosophique. Mais c’est juste un problème d’expression. Les routiers jurent souvent. Ce n’est pas une posture, mais une façon de tenter de conjurer la mouise dans laquelle ils sont. Leur engagement est total. Ils sont les rares survivants de nos sociétés à risquer le tout pour le tout, en échange d’une maigre récompense. Ils tendent à maîtriser des monstres comme d’autres en prenant tous les risques dans le jeu violent du Bouzkachi.

Mais ils se rangent également dans la catégorie illustrée par Jean Yanne et Paul Mercey dans l’extraordinaire sketch « des forçats de la nuit » ou « les routiers mélomanes ». En effet ce sont à la fois des gros machos mal rasés, qui soignent la virilité simiesque de leur démarche et s’expriment forcément avec une voix ultra-virile. Ils toisent nécessairement le monde de haut (de leur cabine). Ils ne peuvent être qu’en tenue sale, huileuse et dépareillée. Et ce n’est pas de la frime, comme je l’ai vu à Paris chez Lobb, où les employés de ce magasin de luxe se baladaient avec des tabliers avec quelques marques de cirage judicieusement disposées. On peut donc leur reconnaître une indéniable authenticité.

Mais ce sont aussi des individus capables de tendresse et d’écoute. Ils ont un regard clair sur certains défauts de l’humanité, qu’ils savent deviner à la façon dont les autres (se) conduisent.

***

L’épisode visionné montre un camion titanesque véhiculant une maison hors norme (8 mètres de large) sur un long trajet comprenant d’incroyables traversées de villes ! Mais il y a aussi ce couple qui a du abandonner provisoirement son interminable cargaison (plusieurs remorques liées les unes aux autres). On apprécie aussi cette leçon de politesse qui fait que ces camionneurs circulent du mauvais côté des chaussées non macadamisées et poussiéreuses, pour ne pas gêner les dépassements par un voile épais de projection.

On peut multiplier les exemples. Mais le but ici n’est pas de faire un résumé des différentes situations, mais de vous recommander d’en prendre une petite dose pour vous faire une idée de cette curieuse réalité, qui mine de rien est un support indispensable à nos vies bien planquées.

Ne soyons pas dupes complètement. Il y a des biais. Les « aventures » sont filmés en long et en large et de haut en bas (drones). Ce ne sont donc pas des expéditions ultimes pures et dures, aux risques insensés. Et les fortes personnalités qui se bougent sur leur siège, ont été choisies avec soin, pour leur hyper expressivité.

https://en.wikipedia.org/wiki/Outback_Truckers