Avis, Vie de Brian. Vive le blasphème. Meilleur film de philosophie comique et salace. 8/10

Temps de lecture : 5 minutes

Un des meilleurs contes de Noël et cela tombe bien. Ce récit iconoclaste bienfaisant est aux antipodes du conte directif et culpabilisant de Dickens.

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Avis sur cet excellent film, en deux parties :

1) vie-de-brian-vive-le-blaspheme-meilleur-film-de-philosophie-comique-et-salace (vous êtes ici)

2) vie-de-brian-avis-personnages-mere-juive-surenchere-victimaire-comique-pas-absurde 

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La Vie de Brian est une incontestable réussite. C’est un film bien plus exigeant qu’il n’y paraît. Il a été écrit avec soin et mérite qu’on le regarde en profondeur.

C’est avant tout un long métrage à la fois philosophique et ultra-comique. De ce mariage naît un genre nouveau. Et ma « foi », c’est réussi.

Il y a de nombreuses interrogations intéressantes quant aux dogmes et aux a priori que nous devrions avoir à la lecture du nouveau testament. De saines interrogations finalement. Non que nos rieurs mettent en doute l’historicité de Jésus ou la validité des affirmation souvent apocryphes. Mais simplement parce qu’il existe une vie (des vies) à côté de ce Jésus. L’affaire commence d’ailleurs par la maison d’à côté, à Bethléem.

Et franchement c’est bien d’avoir pris le Parti d’en rire. Rien de méchant et rien d’offensant là-dedans, dans la mesure où de par la pensée paradoxale et l’intelligent humour absurde, on suscite une réflexion d’un autre niveau, que la scolastique habituelle. On va dire que cette façon de faire Zen et provocatrice, introduit même une bonne dose de pertinence.

Ainsi les rois mages ne sont pas infaillibles, ils se trompent de lieu. Et pourquoi le seraient-ils ? Faut-il, qu’en plus de l’adhésion à l’idéologie principale, on se doive d’avaler toutes les fables qui vont avec ?

Il fallait y penser.

Ce pauvre Brian n’a vraiment pas de chance. Il est né sous une mauvaise étoile.

Déjà sa mère, si bien joué(e) par un mec, a tendance à coucher avec les Romains. Il faut bien vivre, nécessité fait loi. Voilà une approche bien plus réaliste que les paraboles.

Et donc ce gaillard, de père inconnu est promis lui aussi à une grande destinée, celle de presque sosie. Par le coucheries de sa mère, il se révèle à moitié juif et à moitié romain.

Nous voilà en l’an 33. Quoi de plus drôle, mais de plus judicieux, que de remettre en cause les circonstances dans lesquelles Jésus énumère ceux qui iront au paradis. Vous savez ce déroutant laïus du type « heureux les simples d’esprit… »

Sans même s’attaquer à la grotesque multiplication des pains et des poissons – un artifice qui condamne tout libre arbitre – nos auteurs contemporains suggèrent très logiquement que les participants les plus éloignés ont forcément du mal à entendre. C’est de la science acoustique, pas de la scientologie pour les nuls.

De plus, ces Béatitudes ont un caractère « très bizarre », dans la mesure où elles flattent la misère, la faim, la douleur, l’insulte, l’injustice (pas mieux pour cette affaire de « chas d’une aiguille »)

Avec la distance, ce capharnaüm d’idées parcellaires, mal entendues, doit forcément entraîner des mauvaises compréhensions et de sérieux quiproquos. Surtout pour ceux comme ici, qui prendraient tout cela à la lettre. Et qui n’a pas joué à décliner ces « heureux les… » ?

On pourrait dire, que c’est la vie de Jésus, située dans un monde plus normal qu’on ne le croit. C’est lutter ainsi contre cette « envie » que « tout » soit légendaire autour de lui. Il est fort logique qu’il n’a pas d’emblée une audience totalement réceptive et acquise à sa cause. Non, ce sont forcément des gens ordinaires, des curieux, des badauds… et seulement quelques uns qui se posent des questions. Cette vision déconstruite est finalement bien plus réaliste.

Et puis il y a ces disputes mesquines dans les grandes foules où l’on se presse. Il y en a forcément eu et il y en a encore de nos jours. Difficile de croire le contraire. D’où les allusions mal perçues quant au « pif ».

Pourquoi faudrait-il que tout le monde soit sur le même pied, drogué par une Béatitude si contre-intuitive et puérile ?

Il n’y a pas ici sur la colline, que des docteurs de la foi, susceptibles de comprendre ces propos énigmatiques instantanément. Déjà, que même pour les plus doctes d’entre eux, il peut y avoir une foule d’interprétations et des siècles de conciles pour finalement n’en retenir qu’une.

C’est du bon sens arithmétique. Nombreux sont ceux qui dans la foule, n’ont rien compris.

Brian revient en ville. La juxtaposition dans un Speakers’ Corner, de tous ses prophètes sentencieux – des sortes de Sâdhu crasseux – aux propos abscons, mérite le détour. Ils ont l’air à la fois givrés, mais aussi très intéressés. Ces oracles prophétiques de Pythie sont encore plus abscons, que les prophéties de cartomanciennes ou des blablas de n’importe quel Pr Mamadou qui prétend lire l’avenir. Ce passage est bien plus dense qu’il n’y paraît. Il interroge la perméabilité des auditeurs face à de savants pièges linguistiques, ou a des tissus de conneries.

L’obligation de marchander pour ne pas froisser le vendeur est une autre curiosité. L’absurde naît de l’inversion totale des rôles. Et le curseur est poussé aussi loin que possible. On finit par y voir une logique, ce qui est un comble.

Le fait que Brian soit pris pour le Messie, alors qu’il fait tout pour le démentir, épingle cette catégorie de personnes qui veulent le croire à tout prix. Ces individus qui grossissent les rangs des conspirationnistes et des gogos. Mais ose-t-on encore s’en moquer ? Merci les Monty Python, d’encore oser cela.

Et quand Brian leur dit qu’il faut se faire son opinion personnelle, qu’il ne faut pas croire tout ce qu’on leur dit, ces monomaniaques prêts à tout gober, prennent ça pour l’expression ultime d’un prophète. Au lieu d’enfin comprendre la nécessité d’émancipation de tous clergés, ils restent dans leur piège de la pensée et considèrent encore davantage celui qui ne veut pas être leur guide. Ce qui bien entendu est un contresens. Mais cela éclaire plus qu’une thèse, sur la dynamique des foules.

Les querelles entre les groupuscules qui se voudraient tous défenseurs des juifs contre l’oppresseur romain, ne manquent pas de sel. Ce phénomène est assez représentatif (1979) de cette époque, où des obscurs voudraient s’emparer des maigres restes de la Révolution (68?).

On pourrait y voir les disputes entre les petites sectes maoïstes. Ces forcenés qui se croyant supérieurs aux autres, ont fini par défendre le plus indéfendable. (vous voulez des noms ? cf Maoïstes. Révolution culturelle).

Ce sont des micro-pseudo-démocraties où on se gausse de « voter » les résolutions. Mais les interactions entre le chef autoritaire et ses lieutenants soumis, montrent bien, comment on peut arriver à des délires, par des connivences et les prêchi-prêcha du référentiel. On a cela encore avec ces sectes gauchistes et/ou écologistes.

Les mêmes folies, feront que ce groupuscule laissera le pauvre Bryan sur la croix. Se félicitant même que ce Brian devienne un martyr de leur cause. Transposé dans certaines réalités, cela en devient très violent. Et il est vrai que le mort à la manif est un sujet de gloire pour les participants et un sujet de terreur pour la police.

Une fois en croix, même sa mère s’en détourne. Mon dieu pourquoi l’ont-ils abandonné ?

L’allusion est claire, mais là les circonstances sont assez intéressantes. Il est dit dans le nouveau testament, que Jésus a été renié par Saint-Pierre, que ses disciples ne l’ont même pas reconnu alors qu’il était ressuscité. Et il faut que Thomas tâte les blessures pour y croire un tant soit peu ; et toutes ces sortes de choses qui donnent une certaine confusion à cette affaire.

Comment les principaux intéressés peuvent-ils en arriver là ? On est bien loin du « Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu ». Ils se débinent tous.

  • Il faut cette mise en scène, pour impliquer encore plus, l’incrédule qui sommeille en nous. C’est le même mécanisme qui met toujours en scène, un gars qui doute dans les films fantastiques, ou les documentaires qui se la pètent sur les fantômes et le surnaturel. Moisn tu y croit, plus forte sera sa conversion. Et ce gogo de spectateur se sentira obligé d’y adhérer mordicus lui aussi.
  • Merci aux Monty Python de démonter ce piège là, avec cette mise en abîme iconoclaste.

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Avis sur cet excellent film, en deux parties : il vous en reste une à voir.

1) vie-de-brian-vive-le-blaspheme-meilleur-film-de-philosophie-comique-et-salace

2) vie-de-brian-avis-personnages-mere-juive-surenchere-victimaire-comique-pas-absurde (allez là)

https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A8re_juive

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lie_Kakou

https://fr.wikipedia.org/wiki/Parabole_de_la_paille_et_de_la_poutre

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