Cléo de 5 à 7. Annonciation, Cancer. Explication philosophique. Film bouleversant. 8/10

Temps de lecture : 3 minutes

Récit en trois parties, pour un chef-d’œuvre :

  1. Cléo de 5 à 7. Annonciation, Cancer. Explication philosophique. Film bouleversant (vous êtes ici)
  2. Cléo de 5 à 7. Jeu et destin. Enfer, c’est les autres. Discours sur méthode.
  3. Cléo de 5 à 7. Varda, Amour des acteurs. Corinne Marchand, Femme, Force du destin.

Je viens de voir à l’instant un film bouleversant. Et même pour un cinéphile aguerri, Cléo de 5 à 7… est une claque immense.

Un film d’exception, fait par une surdouée, autant comme réalisatrice que comme scénariste… Un film déconseillé par son sujet d’apparence morbide, mais que je vous conseille forcément vivement.

Je ne sais pas comment Agnès Varda a fait pour rendre ce Cléo de 5 à 7 à la fois dense et léger, sérieux et pas sérieux. C’est la vie quoi !


Autant le dire tout de suite, le cancer n’est pas le centre du film.

Il ne faut pas considérer que l’annonce d’un possible cancer soit le sujet principal. J’insiste sur ce point contre-intuitif, puisqu’en fait le scénario se construit clairement autour de cette réalité là. L’habile réalisation le condense même, dans cet interstice horaire étriqué de 5 à 7. Ce qui est presque la durée du film !

Ce qui prévaut ce sont ces chemins complexes de l’incertitude et les batailles à mener, grâce à une bénéfique insouciance et une nécessaire prise de conscience.

Philosophie.

L’angoisse de ne pas pouvoir connaître son destin, est plus fort que le destin lui-même. Et Cléo est en plein dedans, et par sa personnalité mal arrimée et qui doute de tout, et par les circonstances qui l’oblige à attendre deux heures avant de connaître ses résultats anapath.

C’est bien le malheur de l’homme « de ne savoir pourquoi », ni comment, cela va s’arrêter. Même confronté à des évidences, quant à son sort proche, il n’arrive pas à le concevoir vraiment. L’énigme définitive, il ne sera jamais en mesure de la comprendre et de la résoudre.

C’est bien la pire peine

De ne savoir pourquoi

Sans amour et sans haine

Mon cœur a tant de peine !

Cette évidence, de ne pas pouvoir comprendre la mort et de ne pas accepter l’agonie, est elle au centre de la philosophie. On nous le dit, on nous le répète, mais on reste sourd. Ce « fait » nous ennuie, surtout quand nous sommes bien portant et plein d’espoirs et d’entreprises. Pourquoi devrions-nous plomber le présent avec de sinistres pensées, qui de toute façon n’aideront en rien ?

On déteste les films sur la mort.

Et pourquoi voir des films qui ne parleraient que cela ? On les déteste en général, ces « films de malheur » – L’ultime Cassandre a bien raison de chercher nous avertir, mais qui se soucie de cette porteuse de mauvaises nouvelles, si vagues au demeurant.

A moins qu’il n’y ait des raisons sérieuses, il est parfaitement déconseillé d’inciter un ami, un proche d’aller voir de tels longs métrages. C’est comme si on leur proposait une visite au plus ténébreux des cimetières.

Et quand bien même nous souhaiterions envoyer un message à ceux qui seraient concernés directement !

Un processus caché qui se passe à l’intérieur de nous et dont on aurait connaissance à quelque chose d’irréel. On n’y croit qu’à moitié, ce qui entretient souvent de vains espoirs.

Et dans le film, c’est pire encore puisqu’on ne sait pas exactement ce qu’il en est, en tout cas avant la fin du film. L’irréalité est encore plus tenace.

Mais la raison, surtout chez ceux qui anticipent toujours le pire, est une force opposée, qui tend à les contraindre à revenir sur terre. C’est ce combat du raisonnable et du non-raisonnable, qui est au centre du film ; pas le cancer et/ou la mort en soi.

Un film sans pathos, ni vains espoirs. Plutôt une « révélation ».

La pathologie est presque en filigrane. Je le redis, ce n’est pas le cancer lui-même, qui tient le premier rôle, mais le bouleversement dû à l’Annonciation, au sens quasi religieux du terme. C’est à dire une révélation d’un l’au-delà qui va infléchir sa vie définitivement et à laquelle elle ne s’attendait pas. De quoi infléchir fortement un être, jusque là plutôt frivole, insouciant et joyeux.

Le talent de Varda est de faire venir cela sans pathos. Alors que l’essentiel du cinéma « cancer » jusque là nous renvoyait toujours les mêmes têtes d’enterrement, avec des babils convenus et peu réalistes.

« Voici ta servante ; que tout m’advienne selon ta parole. »

Il n’y a pas de révolte chez Cléo, mais une profonde acceptation. Et quand le diagnostic est donné à la volée, elle déclare être apaisée et sereine désormais, surtout aidé de ce bras secourable. Ce plan final, d’une si profonde intelligence, d’une si profonde humanité, m’a fait pleurer.

  1. Cléo de 5 à 7. Annonciation, Cancer. Explication philosophique. Film bouleversant (vous êtes ici)
  2. Cléo de 5 à 7. Jeu et destin. Enfer, c’est les autres. Discours sur méthode.
  3. Cléo de 5 à 7. Varda, Amour des acteurs. Corinne Marchand, Femme, Force du destin.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Cl%C3%A9o_de_5_%C3%A0_7

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