Cléo de 5 à 7. Varda, Amour des acteurs. Corinne Marchand, Femme, Force du destin. 8/10

Temps de lecture : 4 minutes

Mise en perspective tridimensionnelle :

  1. Cléo de 5 à 7. Annonciation, Cancer. Explication philosophique. Film bouleversant
  2. Cléo de 5 à 7. Jeu et destin. Enfer, c’est les autres. Discours sur méthode.
  3. Cléo de 5 à 7. Varda, Amour des acteurs. Corinne Marchand, Femme, Force du destin. (vous êtes ici)

La forme.

On assiste à une explosion d’images, une explosion de sentiments. Plutôt un kaléidoscope qu’un miroir brisé. Et de nombreux plans exploitent ce jeu de miroirs, au sens premier, en nous déroutant savamment. Un procédé connu mais qui devient ici du grand art.

Comme des œuvres de Ben, des « phrases » sur les murs, sur des réclames, illustrent le propos. Oui, il faut être vigilant pour le remarquer. Des slogans de magasin comme « deuil » à gauche et « ça va, ça va » à droite. Ou « bonne santé » ailleurs ; Mais aussi des affiches de films.

La force du film c’est l’importance de ce que d’aucuns pourraient qualifier de détails. Il y a dans cette conscience nécessairement hallucinée, une impossibilité à distinguer un essentiel ou un autre. Tout est chamboulée. Les priorités d’hier ne sont plus celles d’aujourd’hui.

Je reste sans voix avec le final où elle apprend sa condition. C’est d’une rare inventivité de cinéma. Agnès Varda est capable dans le mouvement de recul de la caméra de montrer la petitesse passagère où elle se trouve, pourtant elle se ressaisit paradoxalement et elle occupe à nouveau le plan. Ce n’est pas la première fois qu’on fait film ainsi, mais ici la force de ces plans qui vont du cm à l’hectomètre et vice-versa, est considérable.

Un amour profond.

Agnès Varda montre à l’évidence un amour profond de ces personnages. La beauté de la femme est magnifiée. Et ce d’autant plus que cette belle façade est menacée en vrai ou peut-être au figuré. Cette intensité fait la force du film.

Corinne Marchand.

Corinne Marchand mérite d’être traitée à part. L’actrice est bouleversante.

Elle est au centre de toutes choses, mais dans un monde qu’on pourrait qualifier de superficiel. Elle incarne une vedette de la chanson dans le film. Et on ne parle que d’elle. Tout le monde est à ses petits « soins », mais personne n’est en mesure de la « soigner », pas même son amant ; l’emblématique José Luis de Vilallonga. 31 ans et la beauté du diable chez cet ange.

Sa prestation de femme au plus grand carrefour de sa vie, est remarquable. L’actrice émérite est indissociable de cette Cléopâtre, qui s’appelle Florence.

Pour elle il serait important que l’ordinaire reprenne sa place et remplisse à nouveau son existence. C’est cette reprise de sa petite musique personnelle qui lui manque. Notre Juliette des esprits en aurait bien besoin. La bande son de sa vie et pour l’instant trop incertaine

Beauté immaculée, beauté défigurée. Ce qu’elle craint par dessus tout, c’est l’atteinte à son image. Elle paraît bien inconséquente, quand elle se rassure presque à l’idée que le cancer puisse être interne et sans expression sur sa physionomie… pour l’instant.

En réalité elle est tout en fait en phase avec ce que pensent de nombreuses personnes dans son cas. Certains qui n’y connaissent rien, pourraient se moquer de cette manifestation, qu’ils prêteraient aux dérives de La Société du spectacle. Quelle erreur !

  • La perte de moral est certes fortement liée au pronostic du cancer, au stade de son développement, au temps écoulé depuis le diagnostic et au site de la lésion.
  • Mais dans ce constat, ce sur quoi on n’insiste pas assez, c’est que les vraies préoccupations de l’intéressé(e) sont la détresse existentielle, l’image de soi dans le respect des autres, la peur de perdre le contrôle et le rejet de la dépendance. Et donc la « victime » ne met pas au premier plan, la possible douleur ou l’importance des symptômes, ou que sais-je. Donc l’abord orients souffrance pure et dure, est à côté du vrai enjeu, qu’on pourrait résumer à la « qualité de vie » et à la dignité…

Antoine Bourseiller

Antoine Bourseiller est un troufion romantique. Sa perm’ de dix jours se termine sans qu’il ait fait quoi que ce soit de notable. On comprend qu’il va rejoindre le merdier d’Algérie. Ce n’est pas gai. Mais le destin, encore lui, lui tend une perche qu’il va saisir. Il n’a pas de stratégie proprement dite pour approcher Cléo. Mais il saura quand même vaincre ses légitimes défenses. Une « vedette » est forcément « agressée » en permanence et/ou sommée d’être la petite amie de tout le monde.

Ce rôle somme toute intrusif et gênant, finit par se transforme en une force nouvelle indispensable. Bien sûr que tout peut disparaître dès le générique final. D’ailleurs il doit repartir au front.

Michel Legrand

Michel Legrand est dans son rôle. Il est encore très jeune alors du haut de ses 30 ans. Et cet éclairage sur ce qu’il fait vraiment, a valeur de documentaire.

Ces musiciens apportent à Cléo une musique pleine de gravité, qui a le désavantage de bien coller avec les circonstances, comme un autre signe du destin. Donc il lui faut la rejeter obstinément. Ce dont elle a besoin c’est de légèreté. C’est de pouvoir s’échapper, de s’envoler c’est un petit oiseau et c’est dit comme ça.

Corinne Marchand interprète des chansons écrites par Agnès Varda sur des mélodies de Michel Legrand. Et ce trio coopératif est remarquable.

  1. Cléo de 5 à 7. Annonciation, Cancer. Explication philosophique. Film bouleversant
  2. Cléo de 5 à 7. Jeu et destin. Enfer, c’est les autres. Discours sur méthode.
  3. Cléo de 5 à 7. Varda, Amour des acteurs. Corinne Marchand, Femme, Force du destin. (vous êtes ici)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Cl%C3%A9o_de_5_%C3%A0_7

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