Elmer Gantry le charlatan. Sociologie, philosophie. Burt Lancaster, Jean Simmons, Brooks, Prévin. 8/10

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Fait assez rare pour qu’on le souligne, les créateurs de cette œuvre sont des intellectuels. Ils ont rédigé une véritable thèse.

Le sujet ? L’instrumentalisation de la religion. Soit qu’on ait à faire avec le canal historique officiel qui a pignon (clocher) sur rue, soit qu’on traite l’évangélisme itinérant qui prospère en parallèle.

Ce film met à nu les rouages de cette branche free-lance, qui bosse à notre salut peut-être, mais qui ne néglige pas d’empocher d’importantes sommes défiscalisées au passage.

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Un complément à la reflexion était initialement située ici, mais a été déplacé dans un texte à part :

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Le titre pourrait être révisé à mon sens. Certes Burt Lancaster / Elmer Gantry a un rôle clef, mais Jean Simmons en sœur Sharon Falconer, me paraît encore plus centrale. On aurait pu quand même au moins les associer dans le titre : « Elmer Gantry et Sharon Falconer ». Le terme charlatan pour Gantry n’est pas indispensable et n’a été rajouté que dans la version française.

Le film nous montre l’ascension, la grandeur et la chute d’une telle entreprise subversive sous la pression de deux pôles complémentaires.

Il y a d’un côté une magnifique Jean Simmons qui y croit quand même. Elle a trouvé le filon, en privilégiant l’amour et l’acceptation (good cop). Pour elle il n’est pas question de convaincre en faisant peur ; elle le proclame. L’affaire ronronne.

Puis vient le charlatan éblouissant en la personne de Burt Lancaster. Personne dans les sphères n’est vraiment dupe de ce personnage basique et fondamentalement jouisseur. Mais sur le terrain ce gaillard extraverti est tellement efficace, qu’on va faire taire les scrupules. Il tend à terroriser les foules en maniant savamment le diable et tout le tintouin (bad cop). Il fait rentrer l’argent et les conversions. Il introduit ses méthodes « commerciales », façon Yvan Le Bolloc’h dans Caméra Café. Il est plein d’audace et de projets.

Notre Guépard obtient toujours ce qu’il veut. La belle lui donnera quand même pas mal de fil à retordre.

Il y a de belles connivences entre ces trois là, chacun appréciant à sa juste valeur l’adversaire et ami.

Arthur Kennedy est un éminent journaliste libre penseur, qui flaire qu’il y a là derrière une simple affaire de gros sous et de combines. Il ne fait pas de différence entre la croyance religieuse et les superstitions. Il va tenter de démontrer tout cela dans son canard et fera pas mal de dégâts. Il est aidé par les turpitudes de certains. Mais comme l’Amérique est fondamentalement croyante et bien pensante, il sera obligé de reculer et de laisser la parole aux bonimenteurs. Le cinquième pouvoir est relativement impuissant face au « in god we trust » inscrit sur le dollar.

Edward Andrews est un notable de la ville de Zénith. Ce « 32è degré » est néanmoins tout aussi grand manipulateur que la bande para-religieuse. Nos évangélistes franchissent un pas de géant en obtenant qu’ils se produisent dans cette grande cité. Mais le combat contre/avec le édiles sera épique. C’est une confrontation foi intègre contre remplissage des églises à tout prix. Et c’est bien Burt qui emportera le morceau.

La très mignonne Shirley Jones joue la putain madrée au grand cœur – Celle qu’on ne voit pas venir, mais qui se révélera une maîtresse femme, entôlera son ex Burt Lancaster, sous la pression de son souteneur, pour finir par se repentir en cédant à nouveau à son charme.

Patti Page est une cheville ouvrière naïve, au service de Simmons et qui arrive difficilement à en placer une.

Dean Jagger est le premier assistant de Jean Simmons. Il est collet monté et renâcle à embaucher ce truand inculte de Burt Lancaster. Mais le séducteur-né finira par le convaincre.

Sur fond de musique d’André Prévin, des rebondissements bien orchestrés vont rendre le film bien vivant.

Ce scénario très intéressant et qui permet la réflexion en profondeur, est basé sur un roman de Sinclair Lewis, ce pourfendeur par le rire, de la bigoterie et de l’hypocrisie. Lequel est cité dans le long-métrage, ce qui est un beau clin d’œil.

Ce film de 146 minutes pourrait déranger les rationalistes qui n’ont pas grand-chose à faire de la religion et de ses avatars. Pour eux la messe est dite. Mais que ceux-là s’accrochent quand même car la satire est universelle et dépasse ce cadre étroit de la croyance bornée.

Les USA du début des années 60 ne vont pas tenir rigueur de cet énorme crachat dans la soupe :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Elmer_Gantry_le_charlatan

https://fr.wikipedia.org/wiki/Sinclair_Lewis

https://fr.wikipedia.org/wiki/Richard_Brooks_(r%C3%A9alisateur)

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