Fair Play. Meilleur film, traders amoureux. Promotion sans canapé. Sociologie et Evolution. 8/10

Temps de lecture : 5 minutes

Voilà près de deux heures fructueuses, car très bien dépensées.

Cela se passe dans un monde de traders.

Critique subdivisée en trois parties :

  1. Fair Play. Film Sundance-Netflix, Monde d’après. Sexe aux toilettes. Femme mutante. 8/10
  2. Fair Play. Film. Finance, violence et liberté. Politique et société. 8/10
  3. Fair Play. Meilleur film, traders amoureux. Promotion sans canapé. Sociologie et Evolution. 8/10 (vous êtes ici)

Le film commence de manière assez traditionnelle par l’exposé réaliste de cette jungle sans pitié, des golden boys et d’une golden girl.

En parallèle, il y a cette idylle très sexuée, entre deux beaux jeunes gens, qui travaillent dans les mêmes bureaux, au sommet de la pyramide financière.

Leur relation est tellement intense, qu’ils parlent de se marier. C’est alors la passion qui commande.

La jeune femme entend une rumeur, comme quoi son homme serait bientôt promu. Elle se réjouit pour lui et tout semble pour le mieux dans le meilleur des mondes. Les fiançailles sont possibles, comme dans n’importe quelle romance hollywoodienne.

En fait, nous sommes là encore, avec une vue classique des rapports entre les hommes et les femmes. Celle du monde d’avant, avant. Celle de la mère de Phoebe, dont il faudra quand même un jour aussi se satelliser, après avoir coupé le cordon. C’est pas du gâteau, cet antiféminisme combatif, faite par les femmes elles-mêmes.

Et quand c’est la jeune femme qui obtient un rang supérieur à son mec, tout commence à se gâter.

Il est frustré, mais ne veut pas le laisser voir. Il serait légitime qu’il se batte à son tour. Et Phoebe Dynevor voudrait vraiment l’aider à y parvenir. Mais il répugne à cela, et de toute façon il n’a visiblement pas le même talent, pour faire de fructueuses affaires. Il gaspille son talent en s’acharnant à démontrer qu’il vaut autant qu’elle, si ce n’est plus.

Ce n’est pas forcément du ressentiment mais c’est une pulsion obscure qui le pousse à essayer de se prouver à lui-même, qu’il n’est pas un moins que rien et qu’il vaut autant qu’elle. En fait il prend conscience de sa faiblesse et cela le rend fou. On peut parle d’égoïsme.

***

Le film démontre qu’il est bien moins performant, que sa promise. Et progressivement, comme il n’arrive même pas à l’égaler, il va boire et devenir agressif. Alors que cette Phoebe est très demandeuse de la poursuite de cette relation. Elle en a besoin mentalement et physiquement.

Le film bascule quand le perdant ose affirmer que sa compagne n’a réussi, que parce qu’il pourrait s’agir d’une politique de quota ou qu’avec sa jeunesse et sa beauté elle serait juste une affiche pour l’entreprise. Et que par le sexe, elle l’instrumentalise. Il n’est plus qu’un godemiché en chair naturelle.

***

La situation empire de jour en jour. Et lui amorce une spirale descendante épouvantable. Il finit par se très mal conduire au boulot et sera éjecté de ce fait. On a l’habitude là bas du pétage de plomb des « loosers » et on ne s’inquiète même pas qu’ils puissent se flinguer… presque au contraire.

Et sur le plan sentimental, pour cet Alden Ehrenreich, ce n’est pas mieux. Alors qu’on pense qu’ils vont se réconcilier. Il se passe quelque chose de bien étrange dans les toilettes. Ce qui démarre par une relation consentie, se termine par un viol, qui ne veut pas dire son nom. Pourtant, il ne faut pas se voiler la face, c’est bien ça. Elle est toute cabossée à la fin et ce n’est pas juste de « l’amour vache ». Le point de rupture est atteint. Il fallait juste un acte fondateur, le voilà.

« Tout le monde est dans la merde, mais cette merde vous ne la ramenez pas ici au travail »

Et ce gaillard s’aplatit devant Eddie Marsan son patron, en s’agenouillant réellement devant celui qu’il considère comme son maître à penser. Dans d’autres films, on pense qu’il obtiendrait ainsi le pardon. Mais là il démontre ses limites et sera juste écrasé comme un mauvais cafard.

Au total on a là un homme doté d’une carapace fortement imprégnée de l’ancien monde, qui l’empêche de voir clair. D’où l’apparition de fines lézardes, dont il n’a même pas conscience. Les failles bien comprises, pourraient lui permettre d’évoluer sous la nécessité, s’il était plus malin. On n’a pas besoin de diktats pour cela. C’est une très belle démonstration.

Il n’a pas compris. Là où les anciennes coutumes demandaient de la soumission, ici on ne respecte que la performance. On veut des victoires, pas des armistices.

Ce contre-pied d’avec la doxa est déroutant, car très moderne. Mais il faudra désormais s’habituer à ces nouvelles façons de penser.

Lui est totalement dans la vieille philosophie christique et qui ne tient pas compte des apports nietzschéens ; celle qui est supposée honorer le faible plutôt que le puissant (Il s’agit encore de notre temps présentement, je le rappelle). Alors qu’ elle, n’est plus une de ces femmes qui veut être protégée, mais c’est une carnassière qui veut participer à la curée. Le film apporte la preuve que cet homme est trop figé dans le temps et donc incapable de faire ce saut quantique libérateur. Et puis ce n’est pas juste une question de « force de la volonté », comme lui, par ses lectures, aimerait bien le croire. Il lui manque bien autre chose.

Et la belle va demander des comptes à présent. Elle a compris que la situation était compromise, qu’il fallait absolument le quitter et ne plus dépendre de lui. Faute de quoi, elle risquait de sombrer avec lui. Elle va même le trahir telle un St Pierre renégat.

Et comme si cela ne suffisait pas, il faut à cette femme qui s’extirpe de sa chrysalide, que l’entreprise libératrice se parachève par un acte lourd. Il lui faut humilier celui qui l’a fait souffrir et qui a failli compromettre sa carrière.

Elle a compris. Elle veut une mise à mort symbolique, mais irréversible car gravée dans le sang, comme pour un duel. Elle se contentera de quelques coups de couteau. On a peur un moment qu’elle le tue volontairement. Mais en fait, par cette sorte de « régicide » virtuel, elle veut juste que les choses soient définitives.

C’est la fin du film.

***

Le film est fait par une femme qui a parfaitement compris l’état des lieux. Elle nous propose une révolte mais qui est de l’ordre de l’intime. Cette position reste compatible avec le maintien du système. Contrairement à d’autres films, il n’y a pas ici de critique d’un supposé argent facile. L’argent n’est pas du tout facile et dépend singulièrement du talent et ses talents s’arrachent à prix d’or.

Le seul point féminin qui résiste chez cette femme est cette difficulté à rompre, et à terminer un amour qui était sincère et intense.

  • C’est un trait que j’ai souvent vu chez les femmes. L’amour peut parfois tarder à s’installer mais une fois qu’il est là, il est dur comme un composé carbone de qualité (ou comme du fer si vous préférez). Et il faut beaucoup pour qu’une femme puisse « rompre » ce matériau tenace. Par contre une fois brisé, d’une minute à l’autre, leur univers bascule. Et celui qui était adoré un temps, est détesté immédiatement. C’est sans appel alors.

Pendant fort longtemps, on est tenté de penser que c’est un film comme un autre. Et on est même prêt à le quitter. Mais ce serait dommage, car les mutations vont apparaître, certes assez tardivement, mais vont totalement transformer ce film. Il aurait été dommage de le quitter.

Ce qu’il y a de bien en matière de scénario, c’est qu’on ne sait pas vraiment lequel des deux choisir, dans ce couple ; idéologiquement parlant. Notre avis oscille selon les événements, selon le déroulement, selon leur évolution. Ce qui nous force à réfléchir et c’est très bien comme ça.

Je terminerai par une phrase volontairement provocatrice : voilà des femmes qui ont des couilles (l’actrice dans son rôle et la réalisatrice).

Critique subdivisée en trois parties :

  1. Fair Play. Film Sundance-Netflix, Monde d’après. Sexe aux toilettes. Femme mutante. 8/10
  2. Fair Play. Film. Finance, violence et liberté. Politique et société. 8/10
  3. Fair Play. Meilleur film, traders amoureux. Promotion sans canapé. Sociologie et Evolution. 8/10 (vous êtiez ici)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Phoebe_Dynevor

https://fr.wikipedia.org/wiki/Chloe_Domont

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fair_Play_(film,_2023)

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