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Guerre et Paix (1956) est un de ces films fleuve, comme on aimait jadis. Avec 3h20 de grand spectacle, l’éminent King Vidor paraissait en donner pour son argent.

Dans un registre bien moins « coloré » mais tout aussi percutant, on peut mettre à son actif La foule. Film de 1921 – 8/10. Une composition étonnante et qui sort des sentiers battus.

La Guerre et la Paix occupent moins de place que l’on pourrait penser. Ce très long métrage étant avant tout un récit d’amour.

Alors que Napoléon apporte la bonne parole de l’universalisme libérateur à la Russie. Celle-ci ne semble pas reconnaissante, comme en témoigne les mots peu affables portés par Henry Fonda. Il n’avait pas besoin de sortir de ses films de cowboy donneur de leçons, pour cela. Ce Père la Vertu finirait presque par m’agacer (j’rigole).

La ravissante Audrey Hepburn est parfaite pour ce rôle de fillette éthérée, qui est brinquebalée en fonction de ses penchants affectifs. Ce que le film ne dit pas, c’est qu’elle n’a que 13 ans quand elle se fiance symboliquement à Boris.

Qui n’a pas, comme moi, un de ces posters emblématiques chez lui. Mais on peut pratiquer le rite sans cet accessoire, juste en rêvant d’elle. Cette presque « Sainte Nitouche » remplace facilement la « Sainte Vierge »… à moins que cela en soit une réincarnation.

Mel Ferrer est un bel homme, plein d’idéaux comme elle. A priori ils sont fait l’un pour l’autre.

Il est prêt à braver son père… et Napoléon, pour épouser cette icône. Cet officier tout autant dévoué à sa cause militaire, attendrait même un an s’il le fallait. Mais il faut compter sur Léon Tolstoï pour corser l’affaire. Lui et Vidor lui mettent un dragueur impénitent sur sa route. Qui peut résister à Vittorio Gassman assistée de sa jolie sœur Anita Ekberg ?

Audrey retrouve la voie de la passion, celle qui sort des entrailles. Elle pense ressentir pour lui l’amour véritable. Celui qui emporte tout sur son passage. Et c’est vrai que du coup le lointain Ferrer paraît tout à coup assez terne.

Mais la famille ne l’entend pas de cette oreille. Et ils emmureront quelques heures la belle agitée, pour qu’elle ne s’enfuit pas avec le « collectionneur » roublard Gassman.

A noter Herbert Lom en Napoléon Bonaparte. Il n’est pas déméritant mais on s’attend à tous moments qu’il ait les tics du commissaire Dreyfus dans La Panthère rose. Gênant mais c’est pas de sa faute.

Les batailles sont épiques et on voit là le métier de Vidor. Pourtant de voir Fonda en tant que « touriste » sur un champ de bataille semble assez saugrenu en soi. Même si on comprend qu’il s’agit d’humaniser et de mettre en perspective un combat titanesque. Et à la rigueur, nous Français nous en enfichons, puisque nous avons remporté cette b ataille de la Moskova à Borodino (oblast de Moscou).

Oskar Homolka incarne bien le Général Mikhail Koutouzov, comme le fit Polycarpe Pavloff dans l’Austerlitz d’Abel Gance, avec Pierre Mondy en majesté.

Il y a du pognon et de l’aristocratie partout dans le récit. Ce Tolstoï de 1865, n’avait pas encore fait sa « révolution » posthume bolchevo-compatible. Mais il montre quand même son attention aux autres. Il a d’ailleurs piqué son titre à Pierre-Joseph Proudhon.

J’ai eu la chance de voir le musée du communisme à Moscou, en compagnie de mon cher fils en stage en Russie. On a bien entendu caressé la partie du siège où Karl Marx mettait régulièrement ses fesses. Mais le plus important fut de constater l’importance des penseurs « socialistes » français comme précurseurs du mouvement éponyme.

Mel Ferrer / Andrei Bolkonski ne survivant pas à ses blessures, il faut trouver un remplaçant pour marier Audrey. Exit Gassman. C’est donc Henry Fonda qui postule. Et puis c’est un noble compatible avec l’idéologie populacière à venir. Dans le livre c’est lui le pivot. Tolstoï monte d’un cran en faisant de lui un franc-maçon. Vidor n’en parle pas.

Et il paraît que les Russes auraient réussi à faire reculer les Français. Mince alors !