Arrêtez ! Arrêtez !
Je vous vois là déjà en train de vous trémousser sur l’air de La bamba. Une critique cinéma n’est pas là pour encourager ces bas instincts de la danse (j’déconne).
La bamba est le grand succès de Ritchie Valens, qu’il a pompé sur les Mexicains ; lui qui a l’origine ne parlait pourtant pas un mot d’espagnol. C’est dit comme cela dans le film. Et comme l’ensemble est dithyrambique, il n’y a pas de raison de ne pas croire à cet aveu.
La version que l’on connaît tous et qui est celle du film est des Los Lobos. C’est une version plus rock du chant traditionnel de type Son jarocho qui résulte d’un mélange syncrétiste des colons et colonisés. Je ne savais rien de tout cela, mais c’est Wikipédia qui me l’a appris.
Et pour en finir avec ce floklore, cela n’a rien à voir avec La paloma (chanson), une scie musicale venant de Cuba, par le fait d’un colon, et opportunément étendue au Mexique révolutionnaire.
- Confer el-perdido avec les interventions musicales de ces sortes de Mariachis d’opérette, qui sont éminemment ringardes. On se croirait en compagnie de Bob Saint-Clar dans Le-magnifique (belmondo-bisset) avec l’hymne insupportable du Mexican Paradise de Claude Bolling (Cucurucucu Paloooomaaaaaaaaa !).
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Mon avis sincère sur le long métrage. La bamba est biopic honteusement scénarisé, dans la plus pure mixture hollywoodienne. C’est à dire qu’on nous refile un conte truffé de signes prémonitoires « and all this shit » et d’a priori.
L’avion qui tombe du début se fracassera inexorablement sur nos têtes à la fin. Et notre visionnaire extra-lucide Ritchie sent bien que sa destinée s’accomplira selon ce qui est écrit dans le ciel (hum).
Il va de soi que le céleste Ritchie Valens est un homme bon et donc qu’il est promis à un grand avenir, selon les critères classiques de la méritocratie de l’american way of life et du « yes we can ». Il en faut pour entretenir la flamme. D’où cet croyance bornée en à la « force de la volonté », qui martèle tous les esprits là bas. Il vient d’un milieu vraiment pauvre. Plus souple sera son ascension (l’inverse de « plus dure sera sa chute », c’est bien cela?)
Sa carrière est toute tracée y compris dans l’opportun abandon de ces copains musicos amateurs du début. De toute façon, si l’on en croit les biopics, ils ont tous fait cela. Il escalade les marches à toute blinde. Le rythme est assuré. Ce qui importe dans une quasi comédie musicale.
Hormis son faciès « mexicain », ce jeune a tout pour plaire, même une « mère courage ». Et encore, sa tronche est aimable et le spectateur le plus raciste finira par s’habituer.
Il rencontre pourtant deux hics, qui se révèlent cependant faciles à surmonter.
Premier « hic » et le mot est bien choisi, il s’agit de son frère qui boit (hic, hic), se drogue et trafique avec une bande de motards grossiers. Il n’arrive pas à faire quelque chose d’admissible de sa vie. Il engrosse une fille puis se défile. En plus c’était la nana que convoitait Ritchie. Cela ne se fait pas. Mais au final, il y aura une rédemption et du new-born dans l’air.
Autre écueil, la deuxième fille que voudrait à présent Richard Steven Valenzuela (Ritchie Valens pour le box office), est une wasp éminemment blonde et naïve (Donna Ludwig, qui occasionnera un tube éponyme). Les deux adjectifs vont de paire, me dit-on. Et donc voici, exposées en long et en large, les affres des couples diversitaires ; un sujet qui grattouille et chatouille nos woke – Ce leitmotiv qui allait envahir tout le cinéma était alors en avance sur son temps (1987).
- Quoi que Romain Gary dans Chien blanc nous montre dès 1970, qu’il ne se faisait pas trop d’illusion sur les mouvements de libération choyés par sa compagne Jean Seberg – ce maître de la littérature avait déjà entrevu les prémisses du racisme anti-blanc.
Cette double mise en abîme n’est là que pour préparer réconciliations et déluge de bons sentiments familiaux. Tout est prêt pour le grand départ. Départ annoncé de la première image du film
Sur l’air de la prédestination, il ne faut pas oublier les totems et tabous. Ainsi il y aura un méchant pile ou face, qui ne fera que conforter sa malheureuse destinée. On est peu de chose, si tout est inscrit sur une médaille binaire. Le malheureux verra aussi son collier fétiche brisé. N’importe quel spectateur de cette époque sait ce que cela veut dire. Ce siècle sera (a été) superstitieux, ou ne sera pas.
Sur ce fond d’arguments très convenus, tout est fait pour brosser le grand public dans le sens du poil. Il a bien des appréhensions latentes, profitons-en pour lui livrer un monde conforme à ses illusions.
Le final vaut son pesant de cacahuètes. La mort annoncée survient forcément. Elle est matérialisée par un défilé de limousines qu’envieraient la famille d’un président défunt. En ces temps là cette longue file correspondait à une belle montée du fluide dans le thermomètre de la notoriété.
Mais le pire est à venir avec ce concours de grimaces et de larmes de crocodile (forcément puisque c’est « joué »). C’est à qui pleurera le plus. Ça c’est inévitable pour qui veut avoir sa trace dans le hall of fame. C’est même le minimum pour tenter un Oscar.
L’ultra latino Lou Diamond Phillips (né aux Philippines) s’en sort bien en Valens. Il faut savoir le reconnaître. Il est d’ailleurs plus beau que le vrai, ce qui est une forme d’hommage. Par contre il est trop mûr, même pour ses 24 ans, pour nous faire croire complètement à ce chanteur qui est mort à 17 ans !!!
Les belles musiques sauvent le film tout de même. Le film lui même n’aurait eu qu’un petit 6/10 mais j’avoue avoir bougé avec les rythmes et le répertoire impressionnant qu’on nous fournit ici. Et donc je mets 7/10 par respect pour ces nombreux auteurs.
https://fr.wikipedia.org/wiki/La_bamba
https://fr.wikipedia.org/wiki/Son_jarocho
https://fr.wikipedia.org/wiki/Lou_Diamond_Phillips