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Tiens, un Maigret qui ressemble à un Agatha Christie. Dans ma bouche, ou plutôt sous mes touches de clavier, ce n’est pas un compliment.

La Nuit du carrefour est une intrigue policière un peu trop torturée ; du genre tous coupables. Avec des meurtres en veux-tu en voilà.

Cela se passe au milieu de nulle part, à un carrefour triste et isolé, comportant une station-service garage, une maison, un château en péril.

La première victime est Van Der Meulen, un diamantaire juif de Anvers. On est vraiment dans le cliché. Il est assassiné ici et il a été mis dans la voiture d’un minable vendeur des routes qui occupe la maison. Lequel voudrait bien la récupérer pour exercer son métier.

Et puisque le mort est juif, le voisin, Johan Leysen, ancien de la Wehrmacht, qui occupe pauvrement le château, est « forcément » soupçonné.

Sa « sœur » Sunnyi Melles joue un rôle trouble. Cette blonde convoitée par tous les hommes du mini-hameau, semble se consumer au fur et à mesure de l’action. Alors que les hommes au contraire sont de plus en plus allumés. Et puis son passé risque de la rattraper. Il faut donc éliminer ; comme disent aussi les femmes qui surveillent leur ligne.

Et il semble même que Bruno Cremer, le très efficace commissaire Maigret (Georges Simenon), n’y soit pas insensible non plus. La belle joue avec lui, comme il se doit. Il n’est pas dupe, comme il se doit.

Le garagiste Roland Blanche et son père Hubert Deschamps se comportent bizarrement. Ils s’affichent comme des mécanos, mais font bizarrement des réparations nocturnes en complet veston.

La plupart des personnages ne sont pas ce qu’on croit. Pour certains, il est patent qu’ils ont fricoté jadis avec le monde interlope. Et peut-être qu’ils ont maintenu des liens. Pour d’autres, dont l’aguicheuse Sunnyi, c’est moins évident.

Henri Courseaux est une sorte de représentant de commerce insignifiant, qui pourrait parfaitement être la vitrine innocente, d’un petit business illicite très lucratif. Sa femme est coton. Cette Myriam Boyer incarne la gouailleuse qui s’énerve contre ce mari « impuissant » (une problématique de mâle pas assez « toxique » pour l’époque, mais qui ferait rêver les ultra-féministes qui cherchent des chiffes molles)

Roland Blanche est un acteur appréciable. Il est très extraverti et tente de mettre le calme Maigret dans sa poche. C’est le chef du garage. Son accent de titi parisien dénote avec ce qui semble un enterrement de première classe dans la profonde campagne. Il est trop insoupçonnable du fait de sa jovialité pour ne pas être aussi dans la combine de ces meurtres.

Voix de garage, c’est orthographié exprès comme cela, vu son accent.

Sa femme la pauvre Solenn Jarniou prend des coups. En l’écoutant on se doute bien qu’elle a exercé non loin du trottoir.

Si ce n’est pas un disciple d’Hitler le premier coupable, il se pourrait bien alors que cela soit « Mussolini ».

La « solution finale » ? Ils sont tous plus ou moins impliqués dans un trafic de stupéfiant et dans le recel d’objets volés. Les meurtres sont des extra.

Les femmes en veulent toutes à cette voleuse d’homme, qu’est Sunnyi Melles. Elle n’est pas plus sœur que vous et moi de Johan Leysen ; c’est sa femme (encore un « deus ex » à faire pâlir la paresseuse Agatha Christie ). Elle est inassouvie par son mari qui préfère peindre. En tant que dévoreuse vorace, elle a déjà pas mal semé le souk dans cette petite communauté.

Encore une mytho-typologie qui traîne dans la tête de Simenon. Il a visiblement une idée bien préconçue des femmes ; soit une femme douce et aimante au foyer (Mme Maigret), soit une gourgandine rusée par qui le malheur arrive inévitablement. La Maman et la Putain.

L’actrice, très « pays de l’est », est banalement suisse. C’est une théâtreuse qui a joué du Anton Tchekhov. On peut donc tout lui pardonner.