Mathieu Bock-Côté Dandy. Élégance, résistance esthétique. Wokisme, esthétique de la laideur. 8/10

Temps de lecture : 3 minutes

Mathieu Bock-Côté ne s’exprime jamais à la légère. Dans le dernier numéro de Dandy Magazine, il a accepté de parler d’élégance, en dépassant le simple registre du paraître pour s’élever à un niveau sociétal et philosophique.

Mes remerciements sincères à M Yves Denis, Directeur des Publications, pour son aimable autorisation à publier ces extraits significatifs et une partie de la couverture du numéro.

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Mathieu Bock-Côté : petit détour historique.

… les années 1960, symbolisées par mai 68, marquent une rupture profonde. On pourrait dire, tout le moins, qu’elles marquent une décadence, peut-être déjà engagée, qui alors s’est accélérée…

La génération 68 s’est construite non en s’appropriant de manière critique le patrimoine de civilisation, ce qui aurait été normal, mais en le rejetant en bloc. La vie intellectuelle, quant à elle, s’est déployée à partir d’un principe devenu obsessif : il fallait déconstruire, tout déconstruire… il fallait tout recommencer à zéro… rejet de la patrie, rejet de la famille, rejet des humanités classiques, refus de la civilité traditionnelle, rejet de la transmission culturelle, rejet de la civilisation occidentale. Et rejet de l’élégance..

… Tout cela a un écho direct dans notre propre monde. L’empire du divertissement, qui s’accompagne d’une virtualisation de plus en plus radicale de l’existence, en est certainement l’expression industrielle dans le monde contemporain.

L’homme contemporain se réfugie dans son cocon virtuel… sans vraiment mordre dans la réalité des choses, comme s’il se contentait d’un monde falsifié.

… Le wokisme est incompréhensible si ou ne l’inscrit pas dans cette longue histoire, parce qu’il en représente le point d’aboutissement idéologique. wokisme radicalise la déconstruction et verse dans

l’ivresse de la destruction. Il porte en lui une passion nihiliste…

… Les jeunes générations en viennent même douter de l’existence de I ‘homme et de la femme, et ici le wokisme se charge d’une dimension religieuse, dans la mesure où il veut accoucher d’un homme nouveau…

C’est le nouvel horizon indépassable de notre temps : au terme de la déconstruction se trouve la flaque finale, stade suprême d’une humanité renouant au terme de son aventure intellectuelle avec son magma larvaire originel, dans un univers liquide indifférencié.

… le wokisme s’accompagne d’une esthétique de la laideur. Regardez ces jeunes militants désaxés aux cheveux sales, bleus et en haillons, qui s’en prennent dans les musées aux chefs d’œuvre de notre civilisation. Regardez ces jeunes au regard hagard, qui se sentent constamment micro-agressés par le monde qui les entoure, et qui veulent pour cela l’annuler et censurer tout ce qui les contredit.

… L’élégance est une manière d’incarner une résistance esthétique à l’avachissement de l’époque.

Vous me demandez pourquoi de jeunes hommes, aujourd’hui, renouent avec ce que nous nous plaisons à appeler l’art sartorial. J’y vois, instinctivement, sans que la chose soit théorisée ainsi par chacun, une forme de révolte contre l’avachissement contemporain, contre la destruction de notre civilisation… dans le monde de l’indifférencié et de la négation fanatique du masculin et du féminin, je crois que l’élégance est une nouvelle dissidence — et plus particulièrement l’élégance masculine, car les femmes, heureusement, n’ont malgré tout jamais cessé d’être élégantes !

… l’élégance masculine est une manière de se réapproprier le masculin dans une société qui tend à jeter un mauvais sort sur la figure de l’homme. Les modèles masculins sont pour la plupart aujourd’hui frappés d’interdits, d’autant qu’on parle sans gêne de « masculinité toxique »

… Une chose est certaine : la question du vêtement, si je puis me permettre cette formule, a une dimension non seulement physique, mais culturelle, civilisationnelle. Et chaque jour, quand je sors de chez moi à peu près correctement vêtu, je me dis que le monde postmoderne ne m’a pas eu…

Photo de Stéphane de Bourgies. Total-look Hartwood.

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