Peur sur la ville. Verneuil meilleur réalisateur que médecin. Vive les violences policières ! Critiques politisés. 8/10

Temps de lecture : 6 minutes

Avec ce titre, Peur sur la ville, je m’attendais au pire. Et c’est pour cela que j’ai tant tardé à le voir. Je craignais que ce fut encore une histoire de flics et voyous conformiste, assaisonnée du catéchisme politique fort daté de cette époque.

Pas du tout ! Divine surprise ! C’est un thriller français des années 70 qui ne tombent pas dans les clichés bien connus du genre.

Pour bien inscrire mon analyse dans cette voie inhabituelle, je cite ces critiques injustes, faites à la sortie du film et qui reprochent « l’absence totale d’arrière-plan social », ou qu’il s’agirait du « premier grand film du giscardisme policier » et qu’enfin ce serait le « coup de poing idéologique en contrepoint des coups de poing nocturnes du ministre de l’intérieur ». Voyez les errances de l’époque !

Je pense qu’ils ont été touchés dans leur fibre, lorsque Verneuil a osé montrer Jean-François Balmer en caricature d’étudiant, qui se plaint d’avance et sans raison aucune, de « violences policières » – Là encore la bêtise et/ou l’instrumentalisation à la Mélenchon est toujours d’actualité. Décidément l’homo gauchibus n’a rien appris ces 50 dernières années.

On croit rêver devant tant d’abrutissement idéologique.

C’est bien parce que le film a évité toutes ces errances, qu’il est encore regardable aujourd’hui. On était bien dans une chape de plomb doctrinale, dont on a d’ailleurs encore du mal à s’abstraire maintenant.

  • Mon addendum au titre « Vive les [légitimes] violences policières » est une boutade. Je préfère le dire ainsi pour que les roquets habituels ne commencent pas à mordre, dans un réflexe pavlovien.

Fort heureusement les masses de ce public présumé « giscardien » se sont révélées moins débiles que les critiques. Ils n’ont pas boudé. Ils ont été 3.000.000 à voir cette « œuvre ». Et le long métrage n’a pas démérité à l’étranger.

  • L’objectif transfrontier n’est même plus envisagé de nos jours, par ce qui est devenu un piètre cinéma français, nombriliste et subventionné.

***

Un peu d’air ! Passons à autre chose. Le film est frais, bien vivant et le suspense entretenu n’est pas mauvais du tout. On doit aussi cela aux acteurs principaux.

Jean-Paul Belmondo, à la ligne de conduite fixe et néanmoins libertaire, est magnifique à 42 ans, grâce à ses nombreuses nuances.

Il est courant de dire que c’est un grand acteur, mais là ce n’est pas une phrase bateau mais un constat évident. On ne se lasse jamais de la voir à l’écran. Et à chaque apparition dans le film, il semble étoffer son personnage.

Charles Denner joue plus effacé qu’à son habitude, ce qui donne une impression de réserve de puissance. Bien vu !

***

Bien sûr, on peut aussi pointer quelques grosses faiblesses. On va donc essayer d’évacuer cela.

  • Verneuil bon réalisateur, mauvais médecin

On se fait doublement avoir avec la promesse d’une Lea Massari bien ancrée, non seulement dans le générique et à l’affiche, mais aussi et surtout dans le film. D’abord elle ne reste pas longtemps à l’écran, et puis ce diagnostic posthume de fibrillation est assez grotesque, vu que cette pathologie est labile et cinétique et ne devrait s’observer que du vivant. Ce diagnostic posthume ne tient pas la route, surtout si le légiste doit deviner cela dans l’écrabouillis résultant de la vertigineuse défenestration.

L’approche psychiatrique est un point faible majeur du film. Cette histoire de schizophrénie paranoïde ne tient pas du tout debout. C’est l’éternel artifice de la « double personnalité », qu’on fait passer pour de la schizophrénie aux yeux du grand public. Alors que ce qui pourrait à la rigueur passe pour une pathologie mentale en coin, n’est pas du tout dans ce registre, mais serait au contraire une psychose paranoïaque. On confond certainement paranoïa (très organisée) et paranoïde (totalement désorganisé). Un schizophrène variante paranoïde ne pourrait donner le change en tant que chirurgien bien dans ses pompes. C’est strictement impossible.

L’exercice foireux et illégal de la médecine par Verneuil s’aggrave encore quand l’expert, interprété par Roland Dubillard, se met à la plus banale psychologie de comptoir. Là encore les lieux communs interprétatifs para-freudiens sont du grand ordinaire mais encombrent l’ensemble du cinéma de cette période.

En clair, le criminel en série Adalberto Maria Merli ferait ses crimes, car il a eu des difficultés pendant son enfance. Ah que ce blabla est pénible ! Et là encore on se doit de dire que nous avons encore de nos jours de ces psychanaloïdes perroquets. Le freudisme n’est pas brillant en soi, mais quand il est frelaté à ce point… on prie Henri Ey. Je m’emporte, car la psychiatrie a été une autre de ces voies que l’ai emprunté dans ma vie professionnelle.

Gros bémol encore avec cette histoire d’œil de verre, relativement grossière, par rapport au reste du travail. Le coup du briquet qui met sur la piste est assez faible également. Il aurait suffi de lire la plaque d’immatriculation de la Kawasaki, lors de la poursuite, pour mener au coupable. Cela aurait été beaucoup plus naturel et cela aurait évité le côté “téléphoné” du handicap du méchant, rendu ainsi exagérément méchant. Surtout que comme ça, on le voit mal en train de devenir l’amour privilégié de la belle infirmière. Lui, que le scénario veut faire passer pour un beau gars, se pose là. Et puis le trucage/maquillage est raté.

***

L’éminent cinéaste Henri Verneuil a choisi de nous mettre rapidement dans la confidence. Nous savons bien avant Jean-Paul Belmondo qui est le coupable. C’est un pari intéressant. Nous avons désormais une responsabilité en tant que spectateur. C’est curieux, mais c’est comme cela. Et donc nous anticipons ce qui doit être évité ou privilégié dans cette traque. Le réalisateur joue avec cela et joue avec nous. Ce qui nous fait monter l’adrénaline. Il s’amuse même avec les claquements de porte. Mettant en scène le faux et le vrai danger. C’est habile. Il brouille les cartes avec un quidam qui se trompe de porte, passe pour le méchant, et enclenche de ce fait une catastrophe.

Nous ne sommes pas sans savoir aussi que Belmondo fait lui-même ses cascades. Et donc les risques qu’il prend sont encore plus évidents. Les poursuites sur le toit de Paris et sur le métro sont extrêmement bien faites. Les risques sont bien réels et on retient son souffle quand notre héros est agrippé à une frêle margelle. Certains penseront qu’on en fait un peu trop.

L’exposé des difficultés inhérentes à la poursuite de deux lièvres à la fois, est une bonne idée.

La prise de vue est de très bonne qualité. Les poursuites en voiture les poursuites sur le toit sont extrêmement bien faites. Merci à Rémy Julienne d’être resté dans le crédible, tout en étant aux dernières limites. L’intervention du GIGN est vraie, et donc on ne peut plus crédible. Les cascades à partir d’un hélicoptère étaient assez classiques alors.

Curieusement la musique de Ennio Morricone n’est pas aussi parlante que l’on pourrait attendre. Tout comme les panoramiques d’intro qui l’accompagnent. Les tours « modernes » de Paris ont pris un gros coup de vieux.

Les dialogues sont de Francis Veber, qui est loin d’être un imbécile. Le résultat est là.

Deux heures qui passent vite.

Le 8/10 est un coup de chapeau pour le courage des concepteurs du film. Objectivement un 7/10 aurait suffi.

.

.

.

.

.

.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Paul_Belmondo

https://fr.wikipedia.org/wiki/Peur_sur_la_ville

https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Ey

Envoi
User Review
0% (0 votes)

Laisser un commentaire