Printemps précoce. Ozu moraliste. Adultère contre fidélité. Poisson rouge coquin. 7/10

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Ce Printemps de 1955 (date sur le calendrier dans le film) est certes précoce, mais l’intrigue reste aussi convenue que la floraison d’un marronnier. L’œuvre est donc encore plus conventionnelle que d’habitude.

Yasujirō Ozu aime traiter des petites affaires de la cellule familiale. A l’origine, il y a le couple marié. Et selon les circonstances cette petite cellule là vole en éclat. Le maître ne fait qu’analyser les conséquences. Mais on peut lui reconnaître un certain moralisme dans le traitement de ces sujets.

Quand à l’issue de ce long-métrage, le couple initial se reconstitue, on sent sa préférence pour ce type de fin « heureuse ». L’histoire ne reviendra pas dessus. Même si après le générique les époux s’envoient leur bol de riz à la tête. Et si le mari volage reprend ses délicieuses sales habitudes de tromperie, pour le premier « poisson rouge » qui passe. La belle ondoyante se nomme Keiko Kishi.

Ryō Ikebe est ce beau gars qui selon la post-synchronisation serait une sorte de Gérard Philippe. Pas étonnant que de belles femmes tournent autour du pot de miel. Une d’entre elles, Keiko, est particulièrement insistante et persuasive.

Mais le clan des jeunes vétérans dont fait partie le bellâtre, voit cela d’un mauvais œil. Ils convoquent la fille Keiko par qui le scandale larvé arrive. Ils lui font la leçon, sans avoir de preuves complètes. Mais le faisceau présomptif est lourd. Elle nie, se débat et pleure comme il se doit.

Personne n’est encore clairement au courant, mais ça jase à Tokyo. L’épouse légitime a quand même remarqué le rouge à lèvre exogène par ci par là. Mais elle garde cela pour elle, pour l’instant.

Quand l’affaire est entendue, Chikage Awashima, la légitime qui nous la joue femme bafouée, retourne chez sa mère. Et comme c’est une forte tête, elle n’en démord pas. Ryō accepte d’être relégué au fin fond de la brousse pour une sorte de « promotion ». Il y part seul.

Il finit par être impressionné, par l’insistance à ne pas se laisser faire de sa jeune femme courage. De plus le petit poisson rouge qui tendait à sortir de son bocal, devenait de ce fait un peu trop envahissant. Son attitude commencait à le lasser sérieusement. D’ailleurs une fois son instinct charnel servi, cet homme était triste comme « Omne animal triste post coïtum ».

  • … sauf le coq et la femme « praeter gallum mulieremque »

Pour exposer cette épisode somme toute banale de la vie d’un couple, il a quand même fallu 144 minutes. Je ne sais pas si le réalisateur est payé au mètre de pellicule mais cela fait quand même un peu long. La banalité du propos et la longueur de l’exposé font que ce film n’aura qu’un 7/10 contrairement aux autres 8/10.

Les apprentis sociologues ne manqueront pas d’y déceler le combat entre le Japon « moderne » et sa variante la plus « traditionnelle ». Toute proportion gardée, petit poisson rouge semble être de la génération émancipée « Jolie Môme », dans le style Saint-Germain-des-Prés. Ce qui ne la sauve pas. Alors que Chikage Awashima est du genre Kimono, ce qui lui va fort bien. C’est l’ancienneté et ses valeurs qui priment dans le film. Les choix « sociétaux » s’inverseront par la suite, en faveur de la « femme libérée », même dans le cinéma extrême oriental.

A noter qu’on ne s’ennuie pas trop quand même. L’exotisme, mâtiné de conventions occidentales fraîchement adoptées, attise notre curiosité.

Le metteur en scène insiste à chaque coin de rue pour nous faire la critique de la condition d’employé. Ces plus de 300.000 qui rejoignent chaque matin la capitale, tel un troupeau, est l’occasion de nous la jouer Metropolis (1927). Pourtant c’est bien ce fort embrigadement qui fait la force de cette armée industrielle conquérante.

Une chose cependant est devenue très dérangeante avec le temps, c’est le nombre de fumeurs et l’intensité qu’ils ont à reprendre des cigarettes en tous chemins, en tous lieux.

  • Dans les années 50, les personnages se donnaient une contenance comme cela, au grand bonheur des cigarettiers. Et l’on peut supposer que la nation qui a vaincu le Japon leur a laissé ce « cadeau » intéressé.

Ils boivent beaucoup trop d’alcool également. Mais là il ne faut pas y voir la main invisible de l’étranger.

Il y a plein de ces acteurs récurrents chez Ozu, comme Kuniko Miyake, Chishu Ryu, Haruko Sugimura. Vous les reconnaîtrez aisément, une fois que vous aurez collectionné un bon nombre des « albums » de Yasujirō.

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https://fr.wikipedia.org/wiki/Printemps_pr%C3%A9coce

https://fr.wikipedia.org/wiki/Metropolis_(film,_1927)

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