Sapiens, et la musique fut – avis Goblot – relativisme et révisionnisme en science. 4/10

Temps de lecture : 3 minutes

Mais qu’est-ce qui se passe ?

Navrant travail de Pascal Goblot (2020).

On voit de plus en plus de ces documentaires frelatés, très bassement vulgarisateurs, et qui se la jouent pourtant scientifique et novateur.

Et une fois encore, il n’y a pas une voix critique qui ose s’élever. Au contraire, on encense les charlots et on force sur les phrases creuses du type « Un fascinant voyage scientifique et sonore ». Un autre, qui ne doit pas être très éclairé, y voit « un documentaire lumineux ».

Du coup, nos « amateurs » et/ou experts autoproclamés repartent à chaque fois de plus belle. On connait l’adage audiardesque : “… ça ose tout. C’est même à ça qu’on les reconnaît “

Et comme toujours, Arte enfourche sans hésiter ces canassons. Le ” culturel ” est une divinité-tabou, auquelle la chaine “omnisciente”, et qui a du mal avec le débat contradictoire, ne s’attaque jamais.

***

Ici la thèse est claire. Les homo sapiens aurignaciens ont investi les grottes, ils ont laissé leurs fresques murales et donc pas question qu’on oublie l’ambiance sonore, surtout quand il y a des musicologues qui trépignent dans la salle. Forcément, c’est dans ces sombres tréfonds que la magie de la musique se passe.

Et donc les stalactites sont forcément des instruments de type lithophone et les curieux marquages retrouvées devaient correspondre à des zones sonores électives, façon échos. Il n’y a aucune preuve là dedans, ce sont juste des suppositions plus ou moins construites sur un mode empirique. Mais nos « découvreurs » ont l’air tellement convaincu que cela vaudrait démonstration. En plus maintenant c’est du “vu à la télé”.

On ne compte plus les « peut-être » , « probablement » « aurait » et autres marqueurs de probabilité incertaine.

Sans compter les phrases proprement débiles comme : « la musique a ouvert une troisième dimension dans le monde des humains » – J’ignorais que nos ancêtres d’avant l’ère du binioù se baladaient dans un univers plat à deux dimensions. Ces commentateurs ignares se sont pris les pieds dans l’appellation futuriste 3D, qui sonne si bien. Cette envolée stupide aurait été un tantinet plus consistante en parlant d’une quatrième dimension.

En tout cas cela signe le niveau peu exigeant du documentaire – ou plutôt de cette fumeuse fiction.

Le lyrisme est de mise et a peu à voir avec l’esprit scientifique – illustration : Serge Maury est un savant Némo qui voit nos anciens composant un « opéra préhistorique » sur des « orgues stalagmitiques » dans un « dialogue fort, dans la terre mère qui nourrit ce qui est à la surface » – On voit bien qu’on entre dans la franche déconnante, avec le parfum écologique du jour.

L’esprit relativiste et révisionniste actuel se propage ici aussi !

Ainsi un jeune “savant” imbu de sa personne, sorti de nulle part, nous assène brutalement que la musique ne propage pas, a priori, d’émotion ou d’humeur. Au départ la musique est neutre et pour ainsi dire vide. Les états d’âme que nous ressentons ne sont que des constructions mentales a posteriori qui dépendent uniquement d’un corpus socio-culturel commun. Que ce raisonnement classique de type « page blanche » est niais et simpliste !

Bien entendu, on ne nie pas qu’il puisse y avoir des connotations véhiculées par nos bagages communs.

Mais on oublie, par ce triste raccourci, toute la physiologie de la musique et ses constantes à travers les époques et les civilisations. Avec l’exemple bien connu du rythme musical adapté au rythme biologique, dont la question des battements du coeur et la respiration.

Cela mériterait de longs développements et des citations pertinentes de nos philosophes. Et on laisse aussi pour l’instant de côté l’esthétique et la métaphysique de l’exercice.

Et dire que ce sujet d’une rare complexité est traité d’un tel revers de mains.

Le sujet passe du coq à l’âne. La voix off sentencieuse est celle de je ne sais quelle madame je sais tout.

https://books.openedition.org/septentrion/69984?lang=fr

https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Cas_Wagner

Dans « Le cas Wagner » Friedrich Nietzsche pousse l’argument de la physiologie à la pathologie :

« Wagner n’a mis en musique que des “dossiers médicaux”, que des […] types très modernes de dégénérescence […]. Rien n’a été mieux étudié par les médecins et les physiologistes actuels que le type hystérico-hypnotique de l’héroïne wagnérienne : Wagner est ici connaisseur, […] sa musique est une analyse psychophysiologique d’états maladifs. »

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