Staircase. Avis. Soupçons série. Michael Peterson, tueur au double escalier. Lestrade en marches. 8/10

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La mini-série documentaire française « The Staircase » a joué un grand rôle dans cette ténébreuse affaire Peterson, une épopée judiciaire US hors norme.

On doit ce travail méticuleux à Jean-Xavier de Lestrade, un réalisateur de renommée internationale, comme le montre son Oscar du meilleur film documentaire de 2002. Il avait travaillé par la passé, pendant un an et demi en faveur de Brenton Butler, un coupable idéal (film, 2001). C’était pour la bonne cause vue qu’il s’agissait d’une erreur judiciaire manifeste.

Mais ce n’est pas parce que « le coupable idéal »première version, dénonce à raison une machination contre un pauvre innocent, que l’on doit être forcément dans le même cas de figure avec l’affaire Michael Peterson « The Staircase » (Soupçons), qui nous occupe ici. Cela peut même être un piège.

En effet, on peut comprendre que le nouveau « coupable idéal » Michael Peterson ait accepté d’être filmé sans fard, presque de bout en bout (2004 – 2018). L’apport potentiel de l’oscarisé est un atout non négligeable.

Le reportage-vérité qui a été fait par l’équipe française, tout au long de ses nombreuses années de procédure, est en fait une télé-réalité particulièrement prenante.

Et pour cause on a là un scénariste-acteur d’une intelligence remarquable et qui sait nous servir exactement ce que l’on attend.

Il est difficile de ne pas croire, à un moment ou un autre, qu’il est en effet une victime du système judiciaire… mais il est difficile aussi de ne pas croire par moment que c’est une canaille et un meurtrier. Bien que les bases soient solides, en fait presque tout se joue sur les apparences.

Lors des prises de vue, en bon professionnel, Peterson feint de ne pas trop intervenir et de nous laisser juger. Pourtant avec ses paroles indirectes, distillées avec soin, et son jeu ironique de « coupable » à contre-courant, j’ai bien peur qu’il ne fasse que nous manipuler.

Bien entendu, il est hors de question de juger cet homme par ses talents médiatiques ou par les impressions mitigées qu’il nous donne.

Il a la tête d’un homme qui se contrôle totalement. Mais il reste parfaitement attentif à ce qu’il lui arrive. L’oreille est dressée en permanence. Il est assez intelligent pour ne pas trop intervenir. Il se contente de petits haussements de tête quand le récit le sert ou bien de légères moues désapprobatrices, quand les propos ne sont pas trop en sa faveur.

À noter qu’il bénéficie d’un cabinet d’avocat particulièrement travailleur et bien payé. On doit être sur un devis initial pas loin du million de dollars. Lui et ses conseils, se prennent quand même un monstrueux râteau, lors du premier verdict. Mais là, le procès en révision nous fait quand même crier à la manipulation judiciaire de l’accusation – je n’ai volontairement pas dit erreur judiciaire.

Comme souvent avec les Acquittator, c’est dans les vices de procédure et les erreurs de l’accusation qu’on trouve les meilleurs arguments pour le doute raisonnable. Et nous pauvres profanes, on se laisse souvent emporter par les émotions. On oublie vite le principal. On en serait presque à croire que tant d’acharnement mal venu des magistrats, fait de lui un innocent. C’est un leurre.

Si lui semble chafouin, il faut bien dire que ses alliés croient fermement en son innocence alors que l’accusation croit tout aussi fermement en sa culpabilité. Quand le débat est intense, c’est la faiblesse humaine qui fait qu’il devient caricatural et tranché.

Que les enfants qui ont déjà perdu une mère aient absolument envie qu’il soit innocent est humain. Il en est de même pour les fils de l’accusé et que la victime n’est pas leur mère. Ce n’est pas la première fois que des enfants prennent fait des causes pour un authentique parent coupable.

L’accusation semble aussi avoir fait un sacré travail, même s’il repose sur une expertise virulente mais erronée.

Il y a vraiment trop de blessures mal disposées pour que cela soit la résultante d’une simple chute d’escalier. Et puis il y a cette première affaire de l’autre femme morte dans un escalier, et ses mensonges et ses dissimulations. Le non coming-out de son homosexualité, tombe mal quand il s’agit de se donner des airs d’amour idéal avec sa défunte femme. Sous entendu qu’une telle force amoureuse est incompatible avec un assassinat.

Franchement, chez lui il y a pas mal de choses qui clochent.

Pourtant nous sommes des spectateurs repus et satisfaits par le déroulé chronologique patient et savant. Nous avons envie de dresser le pouce vers le haut, pour qu’on l’épargne. Il le sait et il en joue. Et dans le dernier épisode sur la révision qui lui est favorable, il va jusqu’à dire au staff qui est en train de le filmer et qui l’a suivi tout le long, qu’ils sont pour beaucoup dans le regard bienveillant qu’on porte sur lui. Et c’est là sans doute le moment le plus sincère. La mise en scène l’a beaucoup servi.

L’écriture, la communication, la réalisation de scénario, sont ses atouts les plus forts. Et là on a le sentiment qu’il a participé à son propre script et que c’est lui le réalisateur de ce show. De ce fait, on devrait le remercier.

Cette fiction ou bien cette réalité orchestrée, nous en dit long sur le rapport de l’émotion et de l’abstraction de ces moments extrêmes. On est ainsi capable de partager les pleurs de la famille qui récupère le papa, alors qu’au fond de nous-même on peut le penser coupable. Ce sont des scènes primordiales auxquelles il est difficile d’échapper.

Et il faudrait mettre en face une « légitime vengeance », ce plat des cowboys qui se mange froid ?

On a assisté à une de ces contractions-expansions du microcosme judiciaire tout puissant, qui par l’opération du saint-esprit médiatique, cherche à faire coïncider cette Création avec le microcosme discontinu de la scène de crime.

Réalité et mise en scène encore, quand l’excellent avocat qui l’a suivi tout le long, en passant presque pour un saint pourfendeur, a fini par lâcher Peterson n’ayant plus été payé sur la fin.

***

La conclusion de cet épisode 10 évoque le plaidoyer Alford mais il faut chercher longtemps, pour finir par trouver qu’il s’en est effectivement servi. C’est curieux que cela n’apparaisse pas plus clairement dans ce qu’on lit ici ou là sur Internet. On a le sentiment qu’il y a plein de points de suspension et qu’on est toujours en attente du deuxième procès… mais non l’affaire est finie. Il est coupable… et innocent.

https://en.wikipedia.org/wiki/Michael_Peterson_trial

https://en.wikipedia.org/wiki/The_Staircase_(French_miniseries)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Un_coupable_id%C3%A9al_(film,_2001)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Xavier_de_Lestrade

https://en.wikipedia.org/wiki/Alford_plea

https://www.cosmopolitan.com/uk/reports/a39942005/the-staircase-michael-peterson-now/

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