Avis Netflix. Don’t Look Up, déni cosmique, défi comique. Intelligence en action. 8/10

Temps de lecture : 7 minutes

Comparé à toute la daube que nous déverse régulièrement le cinéma américain, Don’t Look Up : Déni cosmique de 2021 est un excellent film.

Le titre français « Don’t Look Up, déni cosmique » apporte ce petit plus intéressant. Le déni crasse des autorités en place est effectivement, d’intensité et de localisation « cosmiques », à tous points de vue.

Le film Don’t Look Up n’est pas qu’un énième film sur la fin du monde instantanée, suite à la collision d’astres. Un sujet d’ailleurs très intéressant philosophiquement puisqu’il pose la question de notre positionnement quant à notre mort à tous, sous l’angle individuel mais aussi sous l’angle collectif. Deux pôles antagonistes.

  • On a déjà vu cela par exemple dans le choc des mondes – Film Science fiction (1951), mais là c’est plutôt la réflexion entre l’individualisme égoïste et l’intérêt général, « restreint » à quelques rares chanceux.
  • Le positionnement « biblique » du dernier testament (1983), ne manque pas de sel non plus, mais on ne va pas se perdre dans des digressions.
  • Le long métrage le plus fort sur le « que ferions nous, si cela nous arrivait à nous » est à mon avis celui de Lars Von Trier, le Melancholia de 2011. Bien qu’étant plus intimiste, il présente des points communs avec Don’t Look Up.

Le film nous distrait et il nous emballe même parfois Mais il est aussi en mesure de nous faire réfléchir. La satire qu’il développe sur le show-biz, la politique et l’american way of life, n’est pas si caricaturale que cela… elle est juste hyperbolique, ou parabolique si vous pensez qu’elle cache un message. Et plus du spectacle de la bêtise, qu’on nous sert le plus souvent, c’est l’exposé des conséquences de l’incurie qui prend le dessus. Et c’est bien plus malin.

C’est un film qui souligne le bornage et la suffisance du monde politico-médiatique. Mine de rien le réalisateur Adam McKay, qui a été aux manettes de la télévision américaine, versus dissidence, sait dénoncer les évidents travers du système. Il prend des risques ce faisant. Scénariste du Saturday Night Live, mais aussi un grand complice de L’Amérique de Michael Moore : l’incroyable vérité. Il s’y connaît en dénonciation de l’hypocrisie générale.

La psychologie des protagonistes est fortement soulignée, tout en préservant de nombreuses nuances subtiles. Il en est de même pour les idées clefs qui traversent le film ; nettes mais détaillées.

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Tout en haut du verrou médiatico-politique, il y a cet insupportable culte de la bonne humeur affichée. Le sourire « complice » de nos gardiens de prison. Et Leonardo DiCaprio osera leur dire en pleine tronche “en live”, ce qu’il pense de tout cela. J’applaudis des deux mains à cette attaque contre l’optimisme toxique.

  • Même si ce n’est pas du même niveau, pour la forme, j’ai déjà montré mon agacement pour l’omniprésent sourire gourmand de Linda Lorin dans son Invitation au voyage sur Arte. Cette bonne humeur inoxydable, qu’on trouve souvent dans les sectes, me crispe tout particulièrement. 

Ces présentateurs TV mais aussi ces « comédiens » de la politique, montre de la surdité de par leur égoïsme, leur aveuglement sondagier et leur nombrilisme affirmé.

Mais les auteurs nous montrent que les vedettes de la chanson n’en sont pas indemnes.

J’adore le passage où Leonardo DiCaprio se met à plaindre Ariana Grande pour ses difficultés conjugales, alors qu’elle est en face de lui, en attente du passage TV. Elle le regarde de l’air le plus méchant et dédaigneux qu’elle peut. Puis elle lui envoie en pleine figure « de quoi tu te mêle pauvre vioc, occupe toi de tes fesses » – Si vous pensiez qu’en lui demandant un autographe vous auriez une fenêtre pour la séduire, méfiez vous désormais.

Ariana Grande est éblouissante ici dans une parodie de ce qu’on pourrait penser d’elle. Elle remplit à merveille toutes les cases clichées. L’écervelée uniquement préoccupée de sa carrière, la « conn*** » amoureuse d’un DJ médiatique. La défenseuse des « causes »… et elle finira par se ranger du côté des scientifiques éclairés, en chantant à un immense meeting telle une diva, surtout pour le bonheur de briller tel un ange à plumes.

C’est franchement remarquable de in et de off. Un pied dedans, un pied dehors, sans que jamais on puisse la cerner réellement. Cette beauté divine qui fait exploser n’importe quel thermomètre émotionnel, se met à voyager à toute allure dans l’ascenseur intellectuel. Surprise, surprise ! Vaut le détour !

Leonardo DiCaprio est tout bonnement remarquable. D’abord parce qu’il est du bon côté et qu’on croit à sa cause. Ensuite parce qu’il est faillible et finit par se laisser un peu embobiner par la belle présentatrice Cate Blanchett. Je ne lui jette pas la pierre. Profitez tous les deux ! Enfin parce que c’est un très grand artiste. Même si je n’ai pas toujours aimé les rôles qu’il tenait.

Ici c’est la Cate Blanchett souveraine, un cran plus étincelante que dans le magnifique Blue Jasmine – Ce qui est normal puisque les deux rôles demandent des postures presque opposées – Dix ans avant (2011) Cate jouait au théâtre Oncle Vania d’Anton Tchekhov, et donc « chapeau » pour l’envergure !

  • Ne laissons pas les féministes hystériques hurler plus que de coutume. Oui, les gars importants choisissent de belles femmes. Mais celles-ci ne se contentent pas d’attendre le chevalier blanc, en faisant du tricot. Depuis belle lurette, elles sont proactives. Les meilleures choisissent les meilleurs. Ainsi va la vie.

Jennifer Lawrence ne m’a pas toujours emballé. Et d’ailleurs je ne comprenais pas l’engouement qu’elle suscitait. Juste du sex appeal ? Mais peu à peu, je commence à l’accepter. Et ici elle est parfaite.

Meryl Streep est fabuleuse en présidente des États-Unis, une Sarah Palin, en moins bête mais tout aussi dangereuse et qui aurait réussi. Les femmes ont enfin atteint l’égalité absolue. Elles se révèlent par la même idiotie au sommet de l’état que n’importe quel populiste.

Le film prend le conspirationnisme à l’envers. La « conspiration » de ces idiots qui veulent imposer le « don’t look up » et qui jouent des nouveaux médias sans garde-fou.

On a là, une métaphore parfaitement transparente des œillères et des contre-vérités, des pires crétins du partie républicain ; mais aussi de tous les populismes. D’où les concepts étranges de « post-vérité », « vérité virtuelle », « La vérité n’est pas la vérité »…

Un film bien plus politique qu’il n’y paraît, en particulier avec Meryl qui incarne cette droite américaine obscurantiste, vociférante et dangereuse.

Et puis il y a ce portrait ironique sur cette sorte d’Elon Musk, qu’on ne présente plus, qui aurait fusionné avec Steve Jobs, le créateur gourou poseur d’Apple et Larry Page, le transhumaniste trafiquant intelligent de données de Google Alphabet.

Ce prophète schizoïde Mark Rylance de la sainte trinité, est un visionnaire doublé d’un immense homme d’affaire. Il est en sérieuse avance technologique sur son temps. Ce qui fait, qu’en tant qu’éminence grise, celui qui impose un regard bienveillant aux assemblées qu’il dirige, est le véritable maître du monde.

Il impose à Meryl Streep son timing et sa méthode pour contrer l’astre menaçant. Et quand cela tourne mal, notre grand maître à la psyché fragile, lui propose un siège cryogénisé dans sa navette de secours. Son avance I.A. et autre lui permet même de deviner la date de la mort hautement probable de ses semblables. C’est basé sur l’histoire et les facteurs de risques, plus d’énormes traitements statistiques. Il pourra dire à Meryl qu’elle pourrait être raisonnablement tuée par un Brontéroc. Bon d’accord cela se passera dans 22.740 ans !

Le bougre parle de Jakin et Boaz. Voilà qui est bien embarrassant.

Le mec de Jennifer Lawrence, n’apprécie pas la pub négative de la piètre prestation télévisée de sa belle. Le tribunal médiatique l’a jugée hystérique. Ah, la sentence des « social network ». La quantité, le nombre de like, priment sur la raison.

  • Le jugement devient quantitatif, comme jadis l’addition des centièmes de preuve au tribunal finissait par faire une vérité. Cela a agacé Voltaire. Mais où sont les Voltaire d’aujourd’hui ?

Et finalement, le public qui ne croit que ce qu’il voit, peut enfin regarder in vivo le météorite géant qui s’approche avec sa queue de comète. Mais il est trop tard.

Cette question existentielle de l’incapacité de croire à un raisonnement scientifique validé et de lui préférer des chimères, est de plus en plus un grave problème. c’est un défaut de capacité d’abstraction. A l’échelle de milliards d’individus, cela peut devenir très embêtant.

Leonardo DiCaprio s’est métamorphosé, après avoir fréquenté Cate Blanchett dans le film. Mais pris de remords d’avoir laissé tomber sa sainte famille angoissée, il rejoint sa femme au foyer et ses grands fils. Cette femme délaissée, n’est pas la plus jolie. Melanie Lynskey est même un peu mémérisée. Mais franchement, un retour aux sources, c’est plus convenable pour une fin du monde.

Les gentils sont réunis. Et c’est là que Timothée Chalamet, une autre vedette du cinéma actuel et le nouveau compagnon de Jennifer, assume de faire une prière familiale qui fera plaisir autant aux croyants qu’aux athées (et les copains inséparables Jakin et Boaz, où sont-ils passés?)

Ironie du sort ce serait Jonah Hill, le fils de la présidente et le plus puant des personnages, le dernier survivant sur terre ! On voit que Adam McKay s’amuse et qu’il ne nous fait pas le coup de la justice immanente. Unhappy end agréable.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Don%27t_Look_Up_:_D%C3%A9ni_cosmique

https://fr.wikipedia.org/wiki/Melancholia_(film,_2011)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Adam_McKay

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jennifer_Lawrence

https://fr.wikipedia.org/wiki/Leonardo_DiCaprio

https://fr.wikipedia.org/wiki/Meryl_Streep

https://fr.wikipedia.org/wiki/Cate_Blanchett

https://fr.wikipedia.org/wiki/Sarah_Palin

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