Dans la peau d’une domestique – Violence symbolique, mépris de classe selon Gunnar Olsson, Britta Brunius. 6.5/10

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Le film social est une spécialité peu rieuse, qui a été développée largement par Ken Loach. Ce communiste obstiné est une sorte de Mélenchon monomaniaque du cinéma.

A la charnière de l’an 2000, il était encore interdit de critiquer ses films, qui prétendaient défendre les opprimés du capitalisme, selon le prêchi-prêcha généralisé.

Grâce à ce matraquage simpliste, Loach a encombré le paysage – et les esprits , un bon moment.

Les communistes ont ce talent de savoir vous coincer, avec leurs sempiternelles indignations et leur martyrologe. On sait désormais que tout ce folklore là, c’est grosso modo du flan à la Peppone et que ces « bons sentiments » nourrissent l’enfer d’une dictature intellectuelle para-stalinienne.

Ce qui n’empêche pas qu’il puisse y avoir des questionnements légitimes quand à la bonne marche et au bon équilibre d’une société.

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J’ai suivi de près le cinéma suédois des années 30 aux années 1940. Pour le simple et bonne raison que L’Entrée de service de 1932 est une romance de qualité. On le doit d’une part au brillant Molander, dont le film n’aurait pas été aussi génial, Il n’y a pas ic ce beau jeu de perturbation sociale qui remet en place les équilibres. Ici le remue ménage doctrinal est plus lourdingue. Et il ne sert que les middle-class laborieuses, au détriment des riches de l’ancien monde, et cela sans nuances.

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Le coup de la bonne à tout faire, qui va sortir de sa condition… pour y revenir triomphalement, Gunnar Olsson nous le refera en 1940 avec Hanna en société. Olsson, Rut Holm. Cinéma suédois, considérations ethniques.

En 1936, Molander s’y est confronté bien plus élégamment, par une figure inversée. Celle de la jeune aristocrate qui s’impose de faire la bonne… et qui y parvient parfaitement. Elle retournera quand même à sa destinée bourgeoise. Il faut absolument voir L’Entrée de service. Meilleur film suédois 1932. Tutta Rolf. Romance de qualité. Génial Molander. 8/10

Il est clair à la lueur de la différence de traitement d’un sujet voisin, que le réalisateur Gunnar Olsson est loin d’égaler Molander. Il est trop donneur de leçon pour cela. Et puis cela manque de légèreté et de finesse.

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The Servant Girl / To Help the Lady of the House / Dans la peau d’une domestique, correspond au titre original « Frun tillhanda ».

Britta Brunius, une sorte d’Eva Braun, correspond bien au type aryen bien en vogue en Suède en 1940. Un pays soit disant neutre mais qui globalement ne détestait pas certaines thèses National-Socialiste (un sujet que l’on étudiera à part, mais qui est présent dans de nombreuses de mes analyses de ces films là).

Franchement, je lui préfère ma comédienne fétiche, Mlle Tutta Rolf.

  • C’est une jeune actrice norvégienne-suédoise, à la présence remarquable, surtout vers 1932. On ne voit qu’elle ou presque. Elle est « moderne » et sait être le grain de sable qui menace l’establishment. Ses cheveux courts lui vont à ravir. Ce qui n’est pas le cas de notre dernière Miss France androgyne.

Dans ce film Britta est une étudiante en sociologie, qui voudrait enquêter en immersion, sur le ressenti des bonnes et les rapports patronne/domestique en général.

Pas si facile de trouver un boulot sans recommandations, en partant comme elle de zéro. Elle se rapproche d’un syndicat d’employées de maison. En mettant la directrice dans la combine, elle finit par atterrir chez les Willman. Cette famille est décrite comme la pire. Moi je ne trouve pas. Mais dans le scénario, personne ne reste à leur service. Hormis la célèbre comédienne Rut Holm, qui fait une cuisinière à la forte personnalité.

Rut Holm finira par imposer ses conditions, dont le fait que son fiancé ait le droit de coucher dans sa chambre chez ces bourges ! Le pire tabou !

Britta Brunius est bien plus timide. Ce qui la pousse à s’enfuir, c’est sa coucherie avec le fils de la maison, le beau jeune homme joué par Karl-Arne Holmsten. Aussi une célébrité du cinéma suédois, à la filmographie impressionnante.

Après avoir bien profité de sa belle, au petit matin Karl-Arne se posera des questions. Il a clairement en tête le tourment d’une possible mésalliance. En effet dans la Suède de ces années là, l’acte de chair équivaut à une promesse de mariage. Et se défiler est considéré comme d’une grande lâcheté. Que faire ? Fuir dans un premier temps.

Rassurez-vous cette histoire B, va bien se terminer. Elle n’a même pas à brandir sa réelle condition d’universitaire pour que le petit mâle l’amène devant monsieur le maire.

Petite digression :

  • J’ai été témoin d’une période assez semblable, où les bonnes dormaient dans la maison des « maîtres ». Une chambre leur était allouée. Et si elles n’avaient « bien entendu » pas le droit d’y mener leur(s) amant(s), ils s’y passaient quand même quelque chose. Hormis les cas rares du droit de cuissage du patron, il n’était pas impossible qu’un fils de famille, pas trop repoussant, pousse son avantage.
  • Et puisqu’on parle d’échappée sociale, j’ai connu une de ces blondinettes qui a fini par marier un notaire.

Revenons à la « cause du peuple ». Ces dames se protègent en faisant partie d’un petit syndicat. Une de ces organisations que déteste franchement les Willman. Ils le disent haut et fort.

Cette famille est abandonnée. Gerda Björn, la patronne, est obligée de faire le ménage elle-même. Cela ne peut plus durer. D’autant plus qu’une autre branche de la famille, va venir les visiter en nombre pendant quelques jours. Un vrai cauchemar domestique en perspective.

Selon la grande tradition chrétienne, après cette « pénitence », la très digne Gerda finira par comprendre la charge et la frustration, qui peuvent tourmenter ses employées. Il y aura donc un acte de contrition et un pardon.

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Le maître concept étant le « mépris de classe ». Cela a à voir avec l’idée que les couches socialement inférieures en sont là, du fait de leurs vices, de leur absence de qualités et de leur paresse. En clair, ces « sans-dents » n’ont que ce qu’ils méritent. La réponse communiste tient dans la glorification de la dictature du prolétariat. Mais la réponse national-socialiste, qui veut mettre tout le monde au turbin, n’est pas fondamentalement différente. La haine s’inverse. Et dans l’un ou l’autre cas, c’est non pas le peuple qui prend le pouvoir, mais une nouvelle classe qui les dirige. Les masses sont toujours cocues quand elles écoutent des idéologues gourous.

https://sv.wikipedia.org/wiki/Frun_tillhanda

https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9pris_de_classe

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