Décaméron. Avis. Pasolini. Boccace 71. Histoires de cul joyeux. 8/10

Temps de lecture : 4 minutes

C’est faire honneur à l’écrivain Boccace et à Pasolini, que de dire que le Décaméron, ce sont avant tout de belles histoires de cul. Le cul ici est magnifique et prend toutes ses lettres de noblesse (le Q en particulier).

Ce n’est pas du sexe gratuit. Et selon les sketches, cet exercice peut même parfaitement rentrer dans le rang. C’est le cas pour ces jeunes Roméo et Juliette (7), qui enfreignent les règles en couchant/forniquant sur un balcon, bien planqués chez les parents. Voilà qui est sain, enthousiaste et plein de bon stupre.

Après la réprimande d’usage, ils seront même félicités par la famille de la jeune femme, vu que ça se conclura par un mariage profitable. Le beurre des justes noces et l’argent du beurre de la fête des sens. Voilà de quoi sceller une belle alliance entre ces deux familles de nantis. On combine la passion de jeunes (s’ils savaient) et la raison des anciens (s’ils pouvaient). Ce regard là pourrait passer pour le comble de la pensée bourgeoise, aux yeux de marxistes retardés.

Il est plus difficile de ranger dans les histoires moralisatrices, ces nonnes gourmandes (3) qui se partagent les saillies du jardinier. Dommage que les Chrétiens n’aient pas eu l’intelligence de mettre cela dans les péchés véniels. Avec un regard tantrique, on pourrait prendre cette libération sexuelle, pour un retour à l’Essentiel avec une glorification des bonheurs « naturels » d’ici-bas.

« Merci bon dieu, pour ce que la nature a fait pour nous »Mèci bon Dié,Gadé tout ça la natu poté pou nous

Les histoires de maris cocus semblent hanter cette période. Ce pourrait-il qu’il en soit de même de nos jours, mais qu’on n’ose pas en parler.

  • J’ai connu des maris cocus mais j’ai encore mieux connus leur femme. Ne jetez la pierre, ni sur les uns ni sur les autres… et encore moins sur ma pomme. Il semble que bien souvent l’amant n’est que le « révélateur » d’une situation déjà compromise. Il mérite une médaille. À noter qu’au Moyen Âge tardif, c’est le cocu qui a toujours tort.
  • Je crois entendre des ex qui rient sous cape, en pensant que l’amant d’un soir peut être le cocu du lendemain. C’est de bonne guerre.

Le Décaméron est un film de 1971, tiré du livre coquin et joyeux de Boccace. Cet ouvrage inclassable a été conçu au quatorzième siècle, dans cette période terrible de la grande peste. Si l’on veut vraiment en tirer une leçon, il faut voir du côté d’une satire du clergé fantaisiste d’alors. Mais il n’y a pas que cela.

Wikipédia nous détaille les 10 parties (déca) retenues et modifiées par Pier Paolo Pasolini :

  1. Un jeune homme s’enrichit après avoir été escroqué plusieurs fois.
  2. Une nonne en sermonne une autre pour un péché qu’elle a commis, mais elle succombe à son tour au même péché.
  3. Un prétendu sourd-muet profite de nonnes curieuses.
  4. Une femme trompe son mari dans sa propre demeure sans qu’il s’en aperçoive.
  5. Sur son lit de mort, Ciappelletto, séducteur impénitent leurre le prêtre et se fait canoniser.
  6. Des peintres attendent l’inspiration divine.
  7. Une jeune fille dort sur la terrasse de sa maison pour y retrouver son amant.
  8. Trois frères se vengent de l’amant de leur sœur.
  9. Un prêtre tente d’abuser de la femme de son ami.
  10. Deux amis pactisent afin de découvrir ce qu’il advient après la mort.

Il y a de la matière et on ne s’ennuie pas. Et en dehors du côté sexuel affirmé, qui ne déroge pas à l’esprit de Théorème, il y a quand même aussi des sketches à messages, sur la férocité des hommes, les jeux d’esprit, la foi, la mort… Pas étonnant pour cet auteur d’une fantastique version de l’Évangile selon Matthieu, qui adore flirter avec la transcendance.

Pasolini en profite pour caresser de sa caméra, ces vigoureux jeunes hommes, qu’il aime. Il n’y a pas ici de vaines pudeurs. C’est clair, net et précis. Ces goûts vont vers les mauvais garçons dont Franco Citti (Ciappelletto) ou Ninetto Davoli (Andreuccio de Perugia), avec lesquels il partage certains traits du visage.

Et quand la jeune femme tient le rossignol de son amant, ce n’est pas métaphorique.

Personnellement je préfère l’autre sexe, tel que figuré par exemple par la redoutable maîtresse-femme Silvana Mangano, qui est ici « réellement » une Madone.

Vu l’esprit du texte, je suppose qu’on pourrait soi-même en inventer d’autres. D’autres réalisateurs s’y sont frottés. Comme pour ce fameux Boccace 70. Anita Ekberg, Romy Schneider, Sophia Loren. Fellini, Visconti, De Sica. Là, cela part dans tous les sens pour notre bonheur à tous. Chantons de bon cœur le très félinesque « Bevete più latte », qui est une interprétation très moderne et intéressante de ce que pourraient être les tourments de la chair de nos jours. Avec ces mamelles lactifères géantes, on chatouille des sommets. Fellini sait parfaitement nous mettre sur la corde raide entre les interdits les plus forts et la suprême permissivité. On est en plein dans le sujet. Même si peu l’ont compris.

La version 1971 (Pasolini ) fut un immense succès. Ce qui mérite d’être rappelé. Les cochons peuvent aussi profiter de la bonne confiture. Voilà de quoi aider ceux qui ont du mal avec la complexité de Pasolini, cet immense réalisateur.

Merci à ce regretté maître qui a su restituer ce qu’il y avait de plus joyeux-jouissif dans ces unions charnelles si ensoleillées.

Le cul joyeux déride la fesse triste. Que demander de plus pour ce voyeur ontologique qu’est le spectateur ?

Le Décaméron/Texte entier – Wikisource – https://fr.wikisource.org/wiki/Le_D%C3%A9cam%C3%A9ron/Texte_entier

https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_D%C3%A9cam%C3%A9ron_(film)

https://www.paroledechanson.net/harry-belafonte/merci-bom-dieu

https://fr.wikipedia.org/wiki/Moyen_%C3%82ge

https://fr.wikipedia.org/wiki/Franco_Citti

https://fr.wikipedia.org/wiki/Pier_Paolo_Pasolini

Envoi
User Review
0% (0 votes)

Laisser un commentaire