François Ier. Ombre d’un doute. Critique méthode Ferrand. Conception vieillie et anecdotique de l’histoire ? 6/10

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A première vue, cette vulgarisation est accrocheuse ; le ton est plaisant, les images sont belles et le récit est fluide. Doit-on se méfier pour autant ?

L’Ombre d’un doute est une émission contestée par certains experts. Ce bémol est lié aux failles que présentent les différentes pièces que nous joue, le comédien immatériel Franck Ferrand.

Comment croire sérieusement cet amuseur, dont le look fait vraiment gamin botoxé (55 ans pas une ride) ? Je sais qu’on ne doit pas juger les gens sur le dehors, donc prenez ce que je viens d’écrire pour une métaphore de la tromperie sur la marchandise. Le microcosme de surface de l’animateur se voulant à l’égal du macrocosme des grands de ce monde, selon les saga-clichés sur nos écrans TV. Chaque époque a son Jacques Chazot.

Sur Wikipédia on trouve ce passage :

« L’émission est critiquée par des historiens pour une vision considérée comme caricaturale. D’après l’historien Guillaume Mazeau L’Ombre d’un doute donne aux spectateurs l’image que « l’histoire est faite par les puissants » . Selon l’historien Christophe Naudin, l’un des auteurs de l’ouvrage Les historiens de garde, l’émission défend une thèse sans laisser suffisamment la place à la contradiction »

« L’épisode consacré à la guerre de Vendée est particulièrement remis en question par des historiens. Pour Libération, ce documentaire « accrédite la vieille théorie d’extrême droite d’un «génocide vendéen» par la République »

Voilà ce qu’en dit un ami proche, qui a également sursauté sur ce documentaire robespierre-bourreau-de-la-vendee. Cet opposant à Ferrand connaît bien l’histoire et a écrit plusieurs ouvrages sur ces sujets  :

« Ce droitier Ferrand, est un raconteur de l’histoire de France dans le style des Stéphane Bern ou Loránt Deutsch, autres tenants d’une conception vieillie et anecdotique de l’histoire, qui ne fait que répéter les âneries de xxx ou yyy. Il est nullissime. Ce racoleur de Ferrand veut faire de l’audience, peu importe la vérité historique. »

On lit aussi ceci sur « l’histrion Ferrand » :

« Il ne voit l’histoire que d’en haut. Les problèmes sociaux et économiques qui sous-tendent souvent tout le reste sont mis de côté. Les actions multiples des “petits”, des “invisibles”, autrement dit du peuple d’en bas, les sans-dent, ceux qui ne sont “rien” (pour reprendre des appellations hollando-macroniennes), il n’en parle jamais, alors qu’elles façonnent l’histoire. Ferrand est un mauvais amuseur, un personnage néfaste qui invente l’histoire, qui la déforme au gré de sa suffisance et de sa gloriole télévisuelle. »

Et il est vrai que plusieurs sujets qu’il traite sont clairement racoleurs : Jack l’Éventreur démasqué. Le vol des Joyaux. Qui était Jésus ? Napoléon : l’énigme du tombeau. Les possédées de Loudun : une manipulation de Richelieu ? Les secrets de la mort de Raspoutine. L’Élysée, le palais des secrets. Mata Hari, une coupable idéale ? Le Chevalier d’Eon, un agent trop secret ? Napoléon était-il franc-maçon ? Henri IV : victime d’un complot ? Nostradamus : la vérité sur ses prophéties. Zola a-t-il été assassiné ? Molière est-il l’auteur de ses pièces ? Le dossier secret de l’affaire Dreyfus.

La manœuvre est limpide. Il s’agit d’appâter le chaland en détournant de vagues réminiscences scolaires, déjà pas bien claires, pour les rendre le plus mystérieux possible.

En se retranchant derrière de somptueux décors et une mise en scène théâtrale, le maître de cérémonie se permet de jouer d’une supposée iconoclasie. L’astuce consistant à se grimer en Sherlock des temps présents, pour prendre le rythme d’une enquête policière, telle qu’elle est généralement scénarisée à la télé. Il délivre différentes thèses (indices) à petites doses, en les mettant sur le même plan, et en feignant ici ou là de faire de doctes révélations. L’objectif étant de semer le trouble en suscitant les interrogations, puis de récolter les vivats lors de synthèses. A l’évidence ce ne sont pas les façons de faire d’un historien respectable.

Et comme si la fausse modestie de Ferrand ne suffisait pas, on peut ajouter la vraie suffisance de Gonzague Saint Bris, feu ce people qui se prenait pour l’ultime arbitre des élégances sur les questions royales. Ces deux là se sont trouvés. Du coup j’ai des doutes sur ce Didier_Le_Fur, présent également dans ce vaudeville, en tant que spécialiste de François Ier. Voilà où cela mène de mélanger les torchons et les serviettes.

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Et donc l’aguicheur Ferrand n’hésite pas à se poser en fin limier avec son « Qui était vraiment François Ier ? », comme si lui seul avait la solution. Il entre de plain-pied dans ces très contestables sujets historiques, qui sont volontairement traités comme des « mystères », presqu’au sens religieux du terme.

Et forcément l’enquêteur tilte sur le nombre magique 1515, pour asseoir sa méthode. Ce “ salisseur de mémoire ” dit ceci : 1515 n’est pas la victoire française de Marignan que l’on croit, mais une sorte de demi mesure sans vrais vaincus. De plus ce n’était pas de Italiens en face de nous mais des mercenaires suisses. Et nous devions notre salut qu’à nos alliés vénitiens. Oh quel dénigrement !

Enfin cette mise en avant par François Ier, serait une œuvre de propagande de sa mère Louise de Savoie.

Faites l’addition avec la calculette Ferrand et François sera largement sous la moyenne. Alors que les Français ont tellement besoin d’être ancrés par des mythes fondateurs, rarement vrais ou le plus souvent faux.

Il fait la part belle à ce « couple » Louise et François guettant la succession indirecte du trône de France, comme s’ils étaient de vulgaires arrivistes prêts à tout. Et d’ailleurs Ferrand distille L’Ombre d’un doute, en évoquant la possibilité qu’ils aient supprimé les enfants mâles du roi précédent, afin que ce Louis XII de guerre lasse, la queue basse (forcément), désigne François comme héritier.

Et puis il y a cette affaire complexe de mariage qui aurait du sceller l’affaire, mais avec une promesse faite à deux hommes pour la même héritière.

A mentionner également, cette position avantageuse, une fois de plus piquée subtilement par les Allemands (anachronisme / Saint Empire) – Le titre d’Empereur nous passant sous le nez. C’est encore comme cela de nos jours, nous on braille et eux ils récoltent. Puissions-nous enfin fermer notre clapet et sous-mariner utilement !

Voilà, ce ne sont que des exemples piochés dans le « reportage ». Pour le reste, il est recommandé de vous fier à des sources sérieuses. Lesquelles vous paraîtront sans doute plus ennuyeuses que la flamboyante agitation de Ferrand, mais qui auront le mérite d’être plus authentiques et moins romanesques.

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Fuyez comme la peste les sites payants qui n’ont qu’à vous montrer la même phrase : « François Ier représente le roi typique de la Renaissance : mécène, conquérant et bâtisseur. Cependant, des nuances sont à apporter sur son action politique. » – C’est du copier-coller économique, de cet Internet pourri qui a horreur du vide, et qui commente sans avoir vu.

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https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Marignan

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Ier_(roi_de_France)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_XII

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