Le Bonheur. Film Varda, Drouot. OVNI, Famille. Polygamie. Révolution des mœurs gnangnan. 6/10

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Film sur ce que Agnès Varda pense être le bonheur. Ou du moins est-ce un sujet d’interrogation.

Une histoire simple. Décidément Agnès Varda aime les trio amoureux. Là nous sommes en 1965, mais il y aura Lions Love en 1968, sur une autre version de l’amour libre.

Jean-Claude Drouot alias Thierry la Fronde est un modeste menuisier, du genre sympathique qui roule en 2 cv commerciale. C’est un gaillard naturellement heureux. Il file le parfait bonheur avec sa femme et ses deux enfants. Sa femme actrice ici est sa vraie femme madame la Fronde, Claire Drouot. Rajoutez-y les petiots tout mignon, Olivier Drouot et Sandrine Drouot.

Cette félicité n’empêche pas ce gourmand d’en désirer davantage. Il succombe avec délice, une fois qu’une belle occasion se présente. Il rencontre une jolie postière blondinette jouée par Marie-France Boyer, et rapidement ils ont une liaison. C’est charnel et sérieux. Il déclare à la jolie nouvelle qu’il aime ses deux femmes tout autant. Elle s’accommode de la situation.

Ce n’est pas du donjuanisme mais une sorte de « saine » polygamie.

Lors d’un déjeuner sur l’herbe en famille, Jean-Claude se sent obligé de révéler sa liaison, dans laquelle il ne voit pas de malice. Sa femme n’est pas ébranlée en apparence. Elle semble prendre les choses du bon côté. Elle a un premier réflexe de générosité, en privilégiant le bonheur complexe de l’époux. En tout cas c’est ce qu’elle prétend.

Il y est allé doucement et il pense qu’elle est dans l’acceptation et qu’elle y restera. Il est aux anges.

Mais il y a quand même une ombre, que JC ne voit pas.

Lors d’un déjeuner sur l’herbe, Madame la Fronde s’éloigne pour chercher des fleurs et ne revient pas. Elle va délibérément se noyer, sans « faire de vagues », comme une belle Ophélie.

Jean-Claude Drouot est triste, juste ce qu’il faut. Mais rapidement il se console avec sa deuxième femme. Il fait cela tout naturellement, sans aucune mais sans aucun remord non plus. Il n’a jamais souhaité l’effacement de sa première femme au profit de la deuxième qui est plus inventive et plus passionnée en amour. C’est un cumulard du bonheur. En tout cas on nous le vend comme cela.

Marie-France, sans calcul et sans ruse, apprivoise les deux enfants. Et tout baigne à nouveau.

Ce genre d’immoralité pouvait troubler les conformistes de l’époque, mais à présent cela n’a plus rien de scandaleux. Le sujet traité ainsi paraît même trop plat.

Ne cherchez pas ici de leçon morale. C’est une sorte de conte de fée un peu bizarre. On ne peut pas vraiment dire que ce soit du grand art. C’est plaisant, sans plus. Et un peu déroutant. Quelque chose cloche, c’est un peu car c’est un peu trop simple. Varda peut se vanter d’avoir réintroduit le gnangnan dans la révolution des mœurs.

Mais en fait ce qui gêne le plus, c’est le jeu mécanique de Jean-Claude Drouot, en bienheureux perpétuel. Il n’a pas l’air tout à fait humain ce gars-là. Déjà dans Thierry la Fronde ce curieux androgyne leptosome en legging avait de quoi surprendre.

  • Pour la petite histoire il est toujours marié à Claire. Une union inoxydable depuis 63 ans.

Un peu comme pour la 9e symphonie de « Ludwig Van » dans Orange mécanique, il ne faut pas grand-chose pour que le meilleur finisse par crisper. Ici le « supplice » vient de l’usurpation perpétuelle du Quintette pour clarinette en la majeur K 581, et de la fugue de l’Adagio et fugue en ut mineur K 546 de « Wolfgang Amadeus », qui finissent pour nous ressortir par les trous de nez.

***

De désillusions en désillusions. Avec des faux plats comme ici avec Le Bonheur.

J’avais été impressionné par le travail de Varda dans Cléo de 5 à 7, au point de lui accorder trois rubriques :

  1. Cléo de 5 à 7. Annonciation, Cancer. Explication philosophique. Film bouleversant (vous êtes ici)
  2. Cléo de 5 à 7. Jeu et destin. Enfer, c’est les autres. Discours sur méthode.
  3. Cléo de 5 à 7. Varda, Amour des acteurs. Corinne Marchand, Femme, Force du destin.


Et donc la chute fut rude avec ces deux autres « œuvres » :

  • Les Créatures est un film « expérimental » sans aucun intérêt.
  • Travail médiocre de la même Agnès Varda dans Les Cent et Une Nuits de Simon Cinéma. C’est affecté, ampoulé, grandiloquent et somme toute méprisant pour la majorité des spectateurs réputés ignares en cinéma. Tout ce que je déteste, vraiment !

Je lui ai laissé sa chance. Je me suis donc farci cet opus maladroit qu’est Lions Love.

Et de trois ! Un travail paresseux et bâclé qui pourtant se prend très au sérieux.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Claude_Drouot

https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Bonheur_(film,_1965)

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