Recette des pires films à l’eau de rose. Explication. 7/10

Temps de lecture : 4 minutes

Récit en deux parties :

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Avant tout, il faut souligner que l’enjeu n’est pas la bagatelle, mais bien ce que les sites de rencontre nomment l’union durable. Ce qui était synonyme de mariage en ce temps là et surtout si l’on considère que l’on est dans la péninsule transalpine, à Naples de surcroît.

Début de la romance.

D’abord on s’affronte, car on ne sait pas encore qu’on est fait l’un pour l’autre. Ou bien on se ment à soi-même en feignant de ne pas être intéressé.

  • Les esprits fins, qui se sont égarés devant le grand écran, savent déjà que l’affaire est entendue. Ils baillent et zappent le plus souvent.

On a droit à un second look.

Ah mais si c’est bien sûr, on est bien fait l’un pour l’autre ! Et donc on assiste à toutes ces manœuvres de rapprochement, qui à ce stade sont loin d’être directes. Importance des « ami(e)s » et autres intercesseurs. Eux aussi ils ont fini par comprendre l’évidence intrinsèque de ce scénario.

3e acte.

Les circonstances, la malchance, le petit bonheur la chance, diverses malédictions, quelques augures (*) font que ce couple qui semblait devoir se former inévitablement finit par se séparer avant d’avoir commencé (hormis quelques baisers). Ils se séparent et cela devrait fendre le cœur du petit spectateur blotti contre sa belle ou son « beau » à lui.

Et là le réalisateur peut mettre toute sa hargne, toute sa perversité, tout son talent, pour compliquer encore et encore les situations. Le bonheur est dans l’attente nous dit-on (**). Une thèse de type tonneau de Platon, que j’ai toujours contesté).

Catharsis et/ou épectase.

L’essentiel étant qu’au final ces deux-là se rejoignent à nouveau et pour toujours. La procréation vertueuse n’est pas loin. Sitôt le mot « Fin » à l’écran, je pense qu’ils vont se lancer.

On verse une petite larme, grâce à cette sirupeuse romance. Le tour est joué et voilà un navet mélo de plus, strictement formaté sur tous ses semblables.

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Comment se fait-il que ces films si hautement prévisibles, attirent encore le chaland ? C’est un des grands mystères de la vie, qu’on retombe encore et encore dans les mêmes ornières. Alors que le chemin est si étroitement balisé.

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Bien sûr le couple est beau, ce qui facilite l’identification. Et puis quand même, à force d’être matraqué par une actualité anxiogène, on aime les films qui se terminent bien question. C’est déjà mieux que d’avaler la « pause » publicitaire.

Ces films sont donc du consommable ; comme pour les mouchoirs. Ceux là même qui sont rendus nécessaires par les petites larmes, dont je viens de parler. Qu’importe qu’on ait vu ce scénario cent fois !

Pour mener à bien la recette, ne pas oublier une forte dose d’indignation.

Alors que tout devrait concourir à l’union de ce couple, il faut mettre des bâtons dans les roues, scénaristiquement parlant.

Ainsi on érige des barrières sociales. La fille vient d’un milieu cossu et le jeune homme d’un milieu pauvre. Alors que c’est souvent l’inverse, avec cette affaire du prince qui convoite une bergère.

Il faut savoir utiliser, les bas sentiments. Cette belle française, incarne le vice à elle toute seule. Mais c’est un défaut atténué. Elle doit rester désirable à nos yeux, mais sous un mode plus pervers. Le goût du péché. Et puis il y aura bientôt cette vague de fond de libération des mœurs. Anticipons !

L’insouciance dans ces relations amoureuses entre l’Italien et la Française, est un nouvel obstacle à franchir, pour revenir à l’amour « véritable ». Il faut donc lui passer dessus, si je peux me permettre cette expression.

Et bien entendu la promise du début finira par être au courant de la situation. Voici donc un bien bel obstacle, susceptible de relancer l’intérêt du spectateur. Mais la ficelle est grosse.

À vaincre sans péril on triomphe sans gloire, disait l’autre. Il faut donc un combat et notre bellâtre ne peut se soustraire pas à cette obligation. Notre preux chevalier aura donc du sang sur ses lèvres. Voilà de quoi flatter (et exciter) sa bien aimée. Cet homme s’est bel et bien battu pour elle. Nous sommes ramenées à la belle époque chevaleresque.

Mais au fait dans la vraie vie qu’en est-il ?

Il est rare que les situations les plus communes de la vraie vie se conforment à ce canevas conformiste.

Les choses se passent autrement. S’il s’agit d’un mariage de raison, fermez la parenthèse. Tout est calculé, on passe notre tour.

Mais il s’agit le plus souvent de ce coup de foudre, que l’on appelle habituellement passion. De l’Amour grand A, mais qui ressemble à un coup de folie.

Et là en général c’est du oui ou non. On adhère ou l’on se démet.

Si notre propre scénario se complique par la suite, cela se produit tout naturellement par l’usure du couple, par la réflexion qui fait suite à l’aveuglement initial, par les doutes.

Et là à partir de là on a plusieurs solutions. La rupture, la poursuite du train-train avec des œillères, la douceur du « vivre ailleurs », au lieu de l’affrontement avec ses vives tensions.

Ces situations sont tellement banales et répétitives qu’elles n’intéressent guère le cinéma.

Pourtant certains réalisateurs n’ont pas craint se confronter à cet ordinaire. Les meilleurs en ont tiré de très bons films. Je pense par exemple à ce play-boy-party de dino-risi, que je viens juste de voir.

A priori, la trame « romantique » y est légère, voire insignifiante. Mais de cette « épure », de ce trois fois rien, la brillante réalisation est si convaincante, que cela en devient un grand film.

(*) Ma ti auguraun buon compleanno. Les augures font partis de la vie courante ici. On ne s’en cache plus.

(**) Dans Gorgias, Platon métaphorise sur des tonneaux percés que l’on tente de remplir et qui ne seront donc jamais au plus haut niveau, pour vilipender le désir et tenter de démontrer l’insatisfaction obligatoire qui lui est lié. Je pense qu’il était marqué par une sorte de dysphorie post-coïtale. Pas de raison de faire le rabat-joie pour autant !

Rappel, ce récit est en deux parties :

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