Fin d’automne copie Printemps Tardif. Avis Ozu, Yōko Tsukasa. 7/10

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Mon cher Ozu, je t’aime bien, tu es un réalisateur charmeur, confortable et fondamentalement « feel good ». Mais là en 1960, franchement cela ne va pas ! Je te tire les oreilles dans ton cercueil (1963).

Comment oses-tu nous refaire le coup de la jeune fille qui ne veut pas se marier, soit parce ce qu’elle ne peut abandonner le parent survivant (printemps-tardif 1956), soit qu’elle n’en fasse qu’à sa tête dans l’irrespect des traditions du mariage arrangé ( ete-precoce 1951) ?

A noter que la ruse pour obliger la célibataire est la même que dans printemps-tardif. Les « amis » cherche à remarier le parent pour que la fille ne se sente plus responsable de son destin. Et au final, dans les deux cas, le parent a fait semblant d’entrer dans la combine. Une fois la jeune mariée, le « vieux » ou la « vieille » se désiste.

Dans tous les films « familiaux » d’Ozu, les jeunes, qui sont forcément moins ancrés dans la tradition, ont des soucis entre conjoints. Les « anciens » sont généralement plus philosophes et s’accordent avec ce qu’ils ont. Pour le meilleur et le moins bon.

Ici Ozu cherche à nous démontrer que même le mariage de raison a ses charmes. Mais qu’il faut faire un sacré chemin pour s’en rendre compte et s’adapter. C’est la leçon de simplicité et d’accommodement que symbolise cette Fin d’automne.

Un trio de vieux copains se mêle des affaires de cœur de la veuve Setsuko Hara et sa fille la magnifique Yōko Tsukasa. Cette implication des hommes mûrs est assez fidèle à la tradition, même si on sent que les femmes ont leur mot à dire. Ce ne sont pas les dernières à souhaiter qu’on maintienne les anciens usages.

Setsuko, la fille du pharmacien, était l’objet précis de leur désir à tous les trois. Deux sont encore mariés et donc hors course et le troisième, le professeur incarné par Ryūji Kita, est veuf mais assez gauche finalement. Setsuko n’est pas au courant du fait que Ryūji se laisserait bien tenter par cette idylle. Comme il le dit, cela le « démange » et la préposée de sa maison n’y suffit plus. Ryūji finaude, et qui veut vraiment que sa fille coupe le cordon, se prêtera quand même au jeu… jusqu’au mariage de Yōko, mais pas plus loin. On se croirait dans le marivaudage et les charmantes combines du 18è siècle français.

  • D’ailleurs la France est clairement à l’honneur dans le Japon de ces années là. On parle de « Jean Marais » comme d’un idéal masculin. Les pauvrettes ne savent pas que l’acteur n’aime pas l’Edam.

Nos hommes se bagarrent verbalement pour savoir qui de Setsuko (la quarantaine – 40 ans en vrai) ou sa fille Yōko (la vingtaine – 26 ans en vrai) est la plus belle. Dans la vraie vie vous noterez que l’enfant aurait du naitre quand sa mère avait 14 ans.

Chez ces anciens combattants dans la cinquantaine, ce sont les émois passés qui l’emportent. Mais franchement, de là où je vous parle, avec Yōko il n’y a pas photo. C’est la jeunesse et la grâce incarnées. D’ailleurs le jeune premier japonais Keiji Sada, lui ne s’y trompe pas. Il a une promise « arrangée », mais se rabat facilement sur notre poulette au gingembre (respect pour les gallinacés).

La distribution s’apparente à une grande famille que nous connaissons bien, puisque plusieurs des acteurs sont récurrents de film en film. Cela ne me dérange pas outre mesure, mais on est parfois troublé par la valse de personnages. Par exemple, Chishū Ryū qui change de configuration de film en film, soit patriarche, soit tenancier de pachinko et j’en passe.

Setsuko Hara, Yōko Tsukasa, Mariko Okada, Keiji Sada, Miyuki Kuwano, Shin’ichirō Mikami, Shin Saburi, Chishū Ryū, Nobuo Nakamura, Kuniko Miyake

En conclusion, Fin d’automne donne une furieuse impression de déjà-vu, même si à présent ce chirashi, assortiment de sentiments, nous est servi en couleur. Tout dépend d’où on démarre. Si j’avais commencé par ce film sans connaître son ancêtre, j’aurais été plus indulgent ici, forcément.

Deux heures dix tout de même ! Et moi qui pensait qu’avec le temps, les grands maîtres privilégiaient l’épure et la densité.

Accessoirement Shin Saburi se nomme Mamiya dans ce long métrage. D’où une indulgence supplémentaire pour un nom qui me rappelle mes débuts dans le moyen-format. C’est très bête ce que je dis là, mais c’est comme cela.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Yasujir%C5%8D_Ozu

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https://fr.wikipedia.org/wiki/Fin_d%27automne

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