Aribert Heim, médecin Mauthausen + Rüdiger. Avis : documentaire Angèle Berland incomplet. 6/10

Temps de lecture : 4 minutes

Le commentaire ci-après est largement enrichi par rapport au documentaire d’Angèle Berland, que je juge incomplet.

Aribert Heim est un immense gaillard de plus de 1.90m. Il est sportif. Il présente bien. Il est médecin. C’est un nazi autrichien dès 1935.

Comme plusieurs de ses confrères, il aurait préféré choisir de s’occuper d’un camp, plutôt que de prendre des risques sur le front. C’est en tout cas la thèse développée dans cette docu-fiction de 2017.

Il a sévi tout particulièrement à Buchenwald et Mauthausen, mais on lui connaît aussi un passage par Sachsenhausen. Il s’est donc trouvé dans des camps de concentration extrêmement redoutables. On ne peut pas dire que cela a occasionné en lui des conflits moraux. Au contraire, il y était bien à l’aise. Entre deux méfaits il appréciait de jouer au hockey.

Les interventions sur des victimes bien portantes étaient son autre hobby. Personne ne lui a demandé de faire des expérimentations, contrairement aux autres médecins de la mort. Il affectionnait tout particulièrement de chronométrer l’agonie de personnes à qui il avait injecté de l’essence dans le cœur. Il tuait aussi pour « tuer le temps » « parce qu’il s’ennuyait dans son travail ». Il a choisi des prisonniers à belle dentition pour en faire des crânes-squelettes parfaits, comme beau cadeau à mettre fièrement sur un bureau.

On lui reconnaît du sadisme avec des actes « gratuits ». Mais il semble qu’il aurait aussi fait des « opérations » sur le vif, sans anesthésie, pour améliorer sa pratique.

Il n’est resté que 6 semaines à Mauthausen. Il avait 36 ans. Il n’a pas perdu son temps.

Très organisé, il effacera les traces de ses crimes. Les décès étant imputés à des maladies fictives. Il échappera aux procès des médecins de camp. Considérant que sa seule faute est son appartenance à Waffen-SS, on se contentera de le dénazifier. Il poursuivra sa carrière en tant que gynécologue. Ces dames de Baden-Baden apprécient beaucoup ses talents professionnels. Il fera un beau mariage avec une riche jeune femme. Elle bénéficiera d’une splendide villa dans cette jolie bourgade. Ils auront des enfants. Ce médecin insoupçonnable mène une vie paisible. Seule bizarrerie, il se faufile dans l’espace public et ne veut jamais être pris en photo.

Ce n’est que bien plus tard qu’on pourra retracer son parcours. Les prisonniers rescapés qui ont été contraints de l’assister, sauront rappeler ses assassinats et ses expériences. Il s’échappera « miraculeusement » le jour de son arrestation en Allemagne en 1962, et partira sans encombres très loin. Ce qui tend à démontrer qu’il a eu des protections.

En cavale depuis ce jour, il aurait rejoint sa destination finale Le Caire en 1970. Il a changé de nom et s’est converti à l’Islam, c’est avéré. Il y serait mort en 1992 d’un cancer. N’ayant plus guère de subside il aurait fini dans la mouise. Ce qui est contestable puisqu’on lui connaît des propriétés en Egypte encore au milieu des années 70, dont une participation dans l’hôtel Karnak qu’il a occupé. Après sa mort, on a retrouvé une vieille mallette permettant de retracer une partie de son parcours.

Ses enfants auraient gardé des contacts secrets avec lui. On parle d’un transfert de 300.000 euros à une planque de la Costa Brava. L’argent de sa sœur ? On voudrait en savoir plus. Qu’a-t-il pu leur dire pour les convaincre de garder un lien si fort ?

Le fils Rüdiger Heim semble le plus en avant. Ce jeune de 19 ans est allé au Caire en 1975 voir son paternel de 61 ans. Première rencontre depuis qu’il avait 6 ans. Rüdiger, cheveux long, est décalé. Mais des indices montrent qu’il avait lui aussi un tempérament violent, mais contenu.

Son fils voulait absolument croire à son innocence. Le père ne s’est pas gêné de lui faire son propre roman, lors de leurs rencontres égyptiennes : Il aurait été « contraint » de rejoindre la Waffen-SS pour avoir le droit de poursuivre ses études médicales. Il n’aurait pas voulu aller à Mauthausen. Ses opérations létales étaient faites pour abréger les souffrances. Comme pour ce prisonnier opéré pour une hernie… mais c’était aussi un cancer. Il n’a pas eu de mal à s’appuyer sur les mauvais témoignages faciles à nier, pour occulter les bons. En sortant de là, Rüdiger croyait vraiment à l’innocence de son père.

Les séjours de Rüdiger ont été nombreux jusqu’en 1992, au moment du décès.

Il est bien dommage qu’on ait si peu d’éléments sur Aribert. Le documentaire de Angèle Berland, ne parvient pas à dresser un portrait psychologique parfaitement réaliste. Bien entendu, la froideur et le sadisme du jeune médecin sont soulignés, mais c’est plutôt une déduction en rapport avec ses crimes. Cela semble tomber sous le sens et s’accorder avec la détestation naturelle et légitime du public. Mais c’est peu compatible avec son insertion sociale et familiale pendant si longtemps. On aurait aimé en savoir plus.

Les faits qui lui sont reprochés tournent toujours autour de ces injections létales. Il y en aurait eu des centaines, ce qui est effrayant considérant son court séjour à Mauthausen. Si l’évaluation est exacte, ce n’est plus un hobby mais une obstination stakhanoviste. En fait il aurait recherché une méthode « économique » et rapide de tuerie de masse. Ce qui était dans l’air du temps.

Le côté « expérimentation » est peu développé finalement. Là encore on n’a pas grand-chose à analyser. Ce n’est pas de la curiosité malsaine mais de légitimes interrogations quant à ce qui peut passer dans la tête d’un « confrère ».

Aribert s’est permis un gros bras d’honneur en prétendant vouloir donner son corps à la science ! Réhabilitation refusée en raison de son appartenance à la religion musulmane.

***

Mon couplet :

Si un site Internet, bien placé dans Google, commence comme cela, fuyez !

«  Aribert Heim fut l’un des plus grands criminels nazis de l’Histoire. Surnommé « Docteur La Mort » ou encore « le boucher de Mauthausen » … »

C’est de la daube répétée à l’identique de robot en robot. Et il faudrait payer pour voir cela !

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https://www.theatlantic.com/international/archive/2014/03/being-the-son-of-a-nazi/284578/

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