Avis. Little Big Man. Morale et philosophie indienne. Arthur Penn, Dustin Hoffman. 8/10

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Certains films n’ont pas besoin d’être commentés. Ils s’imposent d’eux-mêmes. Il y a donc dans ce Little Big Man une réalisation de grande tenue, sur un scénario particulièrement intéressant. On peut aussi compter sur une multitude de petites remises en cause, qui sont autant de petites leçons sur cette époque et qui enjolivent encore le film.

Arthur Penn est le réalisateur de Bonnie and Clyde (1967) et de Alice’s Restaurant (1969). Il est décidément dans une bonne veine, qui se confirme avec ce Little Big Man (1970), cette troisième réussite.

  • Il est le frère du grand photographe Irving Penn et n’a rien à voir avec le discutable Sean Penn. C’est un intellectuel franc-tireur, amateur de Truffaut, et qui a donc du mal à rentrer dans les rangs d’Hollywood.

Il y a des longs-métrages intemporels. Le fait que mes fils encore jeunes aient aimé ce film, il y a fort longtemps, ne trompe pas.

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La sexualité y est omniprésente. Il est normal qu’après 68, les regards se tournent dans cette direction. Mais elle est montrée ici sous des facettes bien différentes. De part sa nature « accidentelle », elle reflète ces aléas et ces tergiversations, qui émaillent la vie d’un homme qui se cherche et qui cherche l’autre.

Cela commence avec les tourments primordiaux au contact de la très tactile et prodigieuse Faye Dunaway. Elle a cette délicieuse ambivalence, avec d’un côté les traits d’un prodigieux animal et de l’autre une façade de respectabilité religieuse. Plus tard, il s’attache à la très charcutière Olga (Kelly Jean Peters) avec laquelle il fonde un commerce. Enfin, il n’est pas à plaindre avec l’Indienne Rayon de Soleil (Aimée Eccles).

En parallèle, il cherche qu’elle est sa place dans cette société. Sa vie itinérante est toute aussi bousculée. A certains moments il voudrait se fondre dans le moule de la respectabilité, à d’autres non. Et sur les chemins de côté, il se fourvoie en compagnie de charlatans ou de tueurs professionnels. L’important étant qu’il va devoir toucher le fond. C’est la faute à pas de chance, si sa vie part en lambeau.

Les hasards de la vie, mais aussi la magie du cinéma, font qu’il va croiser les chemins célèbre lieutenant-colonel George Armstrong Custer. Ce qui nous donne une lecture totalement décalée de la défaite de Little Bighorn. Figurez-vous qu’on doit cette énorme erreur stratégique à la ruse de Dustin Hoffman !

Dans la vie mouvementée du héros, il spécule sur un recours ultime, qu’on pourrait qualifier de « spirituel ». Il pense pouvoir compter sur ses racines d’enfant blanc kidnappé par les Indiens et qui a profité de cette culture.

Cet Indien occasionnel, comme la plupart des jeunes de cette nouvelle société des 70, est fasciné par les rites colorés et les coutumes rousseauistes, des natifs emplumés. Certains voient leur salut dans ce retour aux sources. Mais cela se gâtera sérieusement en 1995 avec le Dead man de Jarmusch.

Arthur Penn est un gros malin. Il saupoudre cette fascination irrationnelle, de visions clairvoyantes mais loufoques comme pour l’éléphant du distributeur de sirop et de prémonitions qui tombent à l’eau. La « Peau de la Vieille Hutte » est dure à cuire. Malgré l’appel des esprits, qu’il croit entendre pour une ultime Ballade de Narayama, il doit se rendre à la raison, le rendez-vous avec la mort est manqué.

 « Parfois, la magie fonctionne et parfois elle ne fonctionne pas »

Vous noterez que le grand chef et Custer croient également dans leur instinct et leurs prémonitions. Les deux sont aveugles de part et d’autre de l’échiquier.

Au total, comme pour chacun d’entre nous, la vie de ce petit grand homme est parsemé d’hypocrisie trompeuse, de conventions plus ou moins respectées, de messages abscons, de fausses pistes, de repères chancelants… Mais avec un sérieux travail de machette, il finit par entrevoir quelques bonnes indications géographiques. Savoir déjouer les mensonges est bien mieux que de vivre en vase clos dans un monde aseptisé qui aurait troqué les boniments contre la farce de la pureté inoxydable.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Arthur_Penn

https://fr.wikipedia.org/wiki/Little_Big_Man

https://fr.wikipedia.org/wiki/George_Armstrong_Custer

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